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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 11:40
Nous adressons toutes nos félicitations aux élèves qui ont participé au concours des nouvelles organisé par la MLF cette année.
Tous ces écrivains en herbe se sont investis de manière volontaire dans un travail d'écriture difficile et ont tous démontré un réel talent.
Nous soulignerons la performance de l'un d'entre eux, Apolline,élève de seconde, qui a obtenu le 2ème prix dans la catégorie "lycée", sur 31 nouvelles sélectionnées et jugées, pour sa nouvelle intitulée, "Bonheur à Paris"...
Un Grand bravo à Apolline et à tous ses camarades !
L'équipe pédagogique.
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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 23:58

Bonnes nouvelles !

 

 « Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir. » Henri Matisse


C’était là le sujet proposé cette année par la MLF pour son traditionnel concours de nouvelles.


« Des fleurs partout… ». N’est-ce pas un peu facile à dire ? Qu’en est-il lorsque l’on est confronté à la mort, à la maladie, à la guerre ou même simplement aux difficultés quotidiennes ? Nos élèves se sont lancés dans ces réflexions et nous livrent, à travers leurs textes, une certaine vision de la vie, du bonheur et de l’optimisme. Voici un florilège de ces … bonnes nouvelles.

 

Note : toutes ces nouvelles sont accessibles via le lien " Concours de nouvelles MLF école française Kalouga " dans la rubrique Catégories...

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 10:08

Une phrase pour tout dire

 

    Moi, j’ai 14 ans. Je m’appelle Aurélie, mais tout le monde m’appelle Aurel. J’adore la musique et même parfois ma mère me dit que je ne fais que ça ! En ce moment, c’est les vacances d’été ! Et je passe les meilleures vacances possibles avec mon meilleur ami, Jean. On s’amuse bien ensemble. On va à la piscine, on fait du skateboard... La rentrée approche et je ne veux pas partir à Sydney, en Australie. Enfin, si, un peu pour voir le pays, mais je n’arrive pas à me faire à l’idée de partir, de quitter mon lit, ma maison et mon père. Mes parents sont divorcés et je pars avec ma mère là-bas ; elle dit que ça me fera du bien de quitter notre village un peu.

    Voilà, aujourd’hui, c’est le grand jour. Ma valise est prête.  J’ai mis dans mon sac à dos toutes les affaires dont j’aurai besoin : mon casque de musique avec mon Ipod, mon passeport, ma bouteille d’eau, mes lunettes de soleil et bien sûr mon chat, Abricot. Que ferais-je sans lui ? C’est bon ! Je suis enfin prête à partir. Le taxi nous attend dans la rue. Ma mère est presque prête. Je vais poser ma valise et mon sac à dos dans le taxi et je commence à parler à mon chat : « Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. »   Il ne me répond pas, comme toujours, me donnant l’impression d’être seule à côté du taxi d’où je regarde ma maison et celle de mon voisin, Jean. Il n’est que 4h30 du matin et l’avion décolle à 7h30. On a encore un peu de temps mais ma mère a toujours peur d’arriver en retard. Tiens, justement, la voilà qui arrive. Je monte dans le taxi en posant à côté de moi Abricot qui me fait un petit « miaou ». Et le taxi démarre. Je mets mon casque sur mes oreilles en pensant à mes amies, à Jean et à mon père. Une larme coule sur ma joue, je caresse mon chat, ça m’aide à me sentir bien. Il ronronne. Ma mère discute avec le chauffeur, elle commence à raconter notre vie. J’écoute toujours ma musique quand on arrive à l’aéroport. Je prends Abricot et mes bagages avec moi et l’on se dirige vers l’enregistrement.  Je me mets dans la file d’attente, ma mère qui gère une grosse entreprise en Australie est encore au téléphone avec un collègue. A ce moment, un garçon assez grand avec des cheveux d’un brun éclatant et des yeux bleus, passe devant moi et me regarde. Plutôt charmante comme rencontre de si bon matin ! Ma mère me regarde et se met à pouffer de rire, j’en deviens toute rouge!...

    On entre dans l’avion. Et, il est là, en train de lire en première classe, juste devant nous. Je pose la cage d’Abricot à mes pieds, je prends mon casque et me plonge dans l’univers de la musique. L’avion décolle. Deux minutes plus tard, je commence à somnoler. Pendant le voyage, on nous sert deux repas qui ne sont pas à mon goût. L’avion atterrit et je récupère ma valise. Abricot est bien là, il miaule. On monte dans un genre de gros bus pour aller dans la ville juste à côté de Sydney. A l’intérieur, la chance me sourit ; la place qui m’est réservée, se trouve juste à côté de l’inconnu aux yeux bleus. Il s’intéresse à Abricot, et nous commençons à discuter :

« Je m’appelle Brandon » me dit-il d’une voix de basse.

    A partir de là, nous ne cessons pas de discuter durant tout le trajet ; je crois que j’ai rougi tout le temps. Je pense que j’ai un petit faible pour lui. Il me raconte la vie de ses parents. J’apprends qu’il est inscrit dans la même école que moi ! Il habite à trois cents mètres de chez moi…

    Les jours passent. Nous nous installons dans notre nouvelle maison. Le soir, je rêve de lui ; j’en parle à Jean qui est content pour moi. Je ne vois presque pas ma mère : elle est toujours enfermée dans son bureau à travailler. Je  profite de mon temps libre pour sortir avec Brandon ! Nous passons des après-midi ensemble.

    La rentrée est arrivée. Nous sommes en 3ème dans la même classe. Le premier jour, je me mets à côté de lui. Le temps passe et je me fais des amies. Brandon est toujours là. On discute tout le temps, on est presque inséparables. Fin octobre, avec Brandon, on a passé un Halloween d’enfer et côté collège, mes notes sont bonnes ! Avec Brandon, on n’arrête pas d’écouter la musique de notre rencontre ! Depuis notre arrivée, ma mère sort avec un homme à qui je n’avais dit que «  Bonjour » en passant. Pour la première fois, depuis que mon père l’a quittée, je la vois heureuse. Je suis contente pour elle.

    Un jour que je rentrais à la maison, je vis ma mère allongée sur le canapé, son téléphone éteint. Je sentis que quelque chose n’allait pas. C’était la première fois que je la voyais aussi fatiguée. Je vins m’assoir à côté d’elle. Elle avait un visage épuisé. Je lui dis :

« Qu’est-ce qui ne va pas maman ? 

- Je crois que… Je suis enceinte », me dit-elle d’une voix que je ne lui connaissais pas.

    Moi, j’étais super contente. Ma mère semblait l’être beaucoup moins. Elle m’annonça qu’elle était obligée de repartir en France pour accoucher afin que le bébé ait la nationalité française. J’étais accablée. Ne reviendrais-je plus ? Reverrais-je un jour Brandon?     J’annonçais la nouvelle à Jean qui, lui, en fut très heureux. Le lendemain,  je dis à Brandon que ma mère était enceinte et que je devais la suivre en France. Il me serra dans ses bras, et m’embrassa le front. Nous devions partir dans quatre mois. Je décidai d’en profiter au maximum ! On fêta ensemble Noël, le jour de l’an… Tout était merveilleux !

    Le jour du départ, Brandon m’attendait dans la rue. Je me retenais de pleurer, il me souriait. Mais il fallut nous quitter. En montant dans la voiture, je mis mon casque pour écouter notre musique. Je pleurai. Abricot ne comprenait pas ce qui se passait. Philip, mon beau-père, nous accompagnait aussi.

    Arrivée en France, j’étais super contente de revoir Jean, mais  malheureuse d’avoir laissé Brandon. Durant la grossesse de ma mère, je ne réécoutais plus notre musique, j’étais trop triste. Jean était là pour me soutenir et ma mère en profitait pour m’aider à faire mes devoirs !

    Un soir, Philip vint me réveiller pour m’annoncer que ma mère était à la maternité. Je m’habillai, pris le premier taxi au coin de la rue. En chemin, j’appelai Jean. Arrivée à la maternité, on m’annonça que le bébé était né, et que c’était un garçon nommé Maxime. J’étais très contente : enfin un petit frère ! Il était trop mignon. Ma mère était fatiguée mais contente ! Dans le couloir, Philip me dit qu’avec ma mère, ils voulaient que je sois la marraine de Maxime ! J’étais trop fière !

    Deux années passèrent et Maxime grandissait. Mon anniversaire de seize ans allait bientôt arriver et je voulais que ce soit une super fête. Je confiais l’organisation à ma mère qui accepta avec joie. Abricot avait beaucoup vieilli et était devenu un peu dodu...

    J’avais toujours de la musique dans ma tête. Je parlais toujours à Brandon par e-mail. Il me racontait plein de chose sur l’école, le travail de son père… Il me manquait. Il m’envoya un jour un message qui me disait :

«  Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir »     

    Cette phrase me gênait beaucoup, car je ne l’avais pas bien comprise. Mais j’étais plus occupée à mon anniversaire qui était prévu pour le lendemain. Je partis m’acheter une robe pour l’occasion. J’étais contente de mon achat. Quand je rentrai chez moi, j’allais dans ma chambre. Pour le dîner, ma mère m’avait réservé une surprise.

    Je vis Brandon dans le salon, en train de me sourire. Il avait un bouquet de fleurs, cela me rappela son message avec cette mystérieuse phrase. Je clignai des yeux en me disant que ça ne pouvait pas être possible ! Mais si, il était bien là. Je courus vers lui, et lui sautai au cou. Une larme de bonheur coula sur ma joue. Le soir même, je lui racontai tout ce que j’avais fait pendant notre éloignement. Il me dit qu’il avait emménagé avec sa famille dans mon village. J’étais ravie !

    Le lendemain, j’appris que ma mère avait proposé aux parents de Brandon d’emménager dans notre village pour le travail. Je fis se rencontrer Brandon et Jean. Je passais de merveilleux moments en leur compagnie !

 

 

 

Nouvelle de Leyla Lauti, classe de 4ème.

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 10:07

 

Un voyage à Paris

 

Un jour, deux touristes anglais, Katy et Ethan, frère et sœur, qui savaient très bien parler français, arrivèrent à l’aéroport de Roissy. Ils avaient réservé un hôtel assez chic pour dix jours. Ethan, qui n’aimait pas trop les choses « chic » ou les expositions, commença déjà les vacances en disant : « Pourquoi n’avons-nous pas pris un hôtel normal ? C’est un hôtel pour les riches ! » Katy en avait assez des transports, alors elle dit : « On va rester à l’hôtel ce soir ! » En espérant qu’Ethan  ne soit pas aussi désagréable.

Le lendemain matin, au petit déjeuner, ils prirent du bacon et des saucisses. Pour commencer ils visitèrent la tour Eiffel, ils étaient très fatigués surtout avec l’heure de décalage ! Le deuxième jour, il pleuvait, donc ils allèrent visiter la Maison de la radio et le musée d’Orsay. Le soir, ils virent une représentation du Lac des cygnes et Katy dit :

 «  C’est magnifique, le lieu et le spectacle ! 

- Oui, c’est une salle et des danseurs » répondit Ethan.

Puis ils prirent le métro pour rentrer à l’hôtel. Le jour d’après, il pleuvait encore, ils partirent aux galeries Lafayette pour acheter des souvenirs. « Je m’ennuie parce que soit on va visiter des musées, soit on va dans des magasins » dit Ethan. Le quatrième et le cinquième jour, il faisait très beau, alors ils partirent voir l’Arc de triomphe, le parc Monceau, la place de la Concorde et Notre-Dame de Paris.

Ils partirent deux jours voir des amis dans le dixième arrondissement. Katy, Ethan et leurs amis se promenèrent autour de Montmartre et tous les monuments du nord de Paris et Ethan dit :

«  Pourquoi on n’irait pas voir un match de rugby demain soir au Stade France ? 

-         Oui ça fait très longtemps que nous ne sommes pas allés voir un match de rugby ! » s’exclama le copain d’Ethan.

Le dernier jour avec leurs amis, ils allèrent au stade de France, Ethan était très heureux : enfin il n’était pas dans un musée ou dans une salle de spectacle ! Le lendemain, ils repartirent dans le centre de la capitale. Le soir, très fatigués de leur journée, ils décidèrent de rester à l’hôtel. Le lendemain matin, Katy dit : « Pourquoi on n’irait pas au Louvre ? » Donc le matin,  ils se promenèrent autour de l’hôtel puis l’après-midi ils allèrent au Louvre, et Katy proposa :

«  On se sépare et dans deux heures on se retrouve ici, et comme ça tu ne m’énerveras pas !

-          D’accord » acquiesça Ethan ! 

Katy partit d’un côté et son frère de l’autre. Deux heures plus tard, ils se retrouvèrent au point de rendez-vous. Il dormait sur un banc. Katy le réveilla et lui dit : « Si tu dors dans un endroit pareil, nous allons faire la dernière salle ensemble ! » Ils partirent tous les deux pour admirer les peintures de la dernière salle. Katy, assez énervée de l’attitude de son frère, dit : «  Tu sais, un jour, Matisse, un grand peintre a dit : « Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir. » Ce n’est pas comme toi, tu ne vois que les jeux vidéo mais pas les belles choses comme les musées ou les spectacles.»

Le lendemain, avant de partir en Angleterre, Ethan voulait aller dans un musée pour faire plaisir à Katy. Quand ils repartirent tous les deux, Ethan avait un nouvel état d’esprit.

 

 

Nouvelle de Manon Mannessier, classe de 5ème.

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 10:03

 

La nouvelle vie de Clara

 

 

            C'est l'histoire d'une jeune fille de onze ans qui s'appelle Clara. Pour elle c'était le début des vacances. Elle venait de finir son année scolaire et l'année suivante, elle allait enfin rentrer au collège. Elle attendait ce moment avec impatience.

Mais pour l'heure, place aux préparatifs. Elle devait boucler ses valises car elle partait en vacances avec ses parents en Corse dans un camping tout près de la mer. Une fois installée, Clara se fit très vite de nouvelles amies et s'amusait toujours aussi bien. Elle ne voyait pas le temps passer.

Après ce long séjour de trois semaines, il était temps pour Clara et ses parents de repartir vers le continent. Le voyage fut très long mais à l'arrivée toutes ses copines ainsi que sa famille l'attendaient sur le perron de sa maison. C'était sûr, personne ne l'avait oubliée. Une immense joie l'envahit et son cœur se mit à battre très fort lorsqu'elle entra chez elle.

Il restait encore une semaine de vacances avant la rentrée des classes. Ces derniers jours, elle les passa avec ses amis, à s'amuser dans le jardin, courir dans les champs, construire des cabanes dans les bois. Elle ne se lassait jamais de regarder les chevaux courir dans les prés derrière chez elle.

La rentrée des classes arriva très vite. Dans ce nouveau collège, elle se fit très vite de nouveaux amis. Tout alla pour le mieux jusqu'à ce fameux jour où sa vie allait basculer.

 

            Un soir, en rentrant de l'école, ses parents étaient déjà de retour de leur journée de travail.

Déjà Clara sentait qu'il y avait quelque chose d'inhabituel, que quelque chose n'allait pas.

«  Salut Papa, salut Maman ! », dit-elle en leur sautant au cou. La réponse fut brève.

«  Salut Clara ! ». Son père et sa mère l'embrassèrent.

Elle n'eut pas le temps d'examiner plus longtemps la situation, son père s'avança vers elle et, d'un air un peu embarrassé, se mit à parler :

«  Clara, allons-nous asseoir dans la cuisine. Nous avons quelque chose à te dire, quelque chose de très important. »

Et c'est ainsi qu'elle se retrouva dans la cuisine assise entre son père et sa mère. Elle était mal à l'aise, mais elle avait beau réfléchir, elle ne se souvenait pas d'avoir fait la moindre bêtise. 

Son père prit à nouveau la parole :

«  Clara, nous allons partir. On me propose un nouveau poste assez loin de chez nous. Avec maman, nous avons choisi d'accepter. »

Travail ? Partir ? Mais où ?

Tous ces mots se bousculèrent dans sa tête. Sa mère, voyant qu'elle était perdue, tenta de la rassurer :

« Nous devons partir pour la Russie, quelque part près de Moscou. Nous allons vivre là-bas quelques années. Tu sais, ce sera une très belle expérience.» Clara n'écoutait plus rien. Elle ne dit aucun mot, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle se leva et se précipita dans sa chambre en claquant la porte. Tout son univers s'effondrait. Cette phrase l'avait bouleversée. Elle ne savait plus quoi faire, ni quoi dire. Tout se bousculait dans sa tête. Mais de toute façon, elle savait pertinemment que la décision était prise : ils allaient tous partir. Clara était persuadée qu'elle allait perdre sa famille et tous ses amis. Elle pleurait sans cesse. Son père tenta à plusieurs reprises de se rapprocher d'elle. Il lui expliqua qu'il ne pouvait pas abandonner son travail pour rester en France et que de toute façon, le plus important était de rester ensemble. Il ne pouvait pas envisager sa vie sans sa petite fille. Malgré toutes ces tentatives, rien n'y faisait : Clara ne voulait rien entendre. Elle restait inconsolable. Et les rares fois où elle tentait de parler à ses parents, cela se terminait toujours par des crises de colère.

Durant les jours qui suivirent, l'atmosphère à la maison fut très tendue. Elle ne parlait presque plus à ses parents, ne souriait plus et ne s'amusait plus après l'école avec ses amis. Sa mère était inquiète et durant les jours qui suivirent, essaya bien souvent de parler avec Clara. Mais celle-ci refusa toujours d'écouter ce qu'elle avait à dire. Elle se surprit même à lui répondre méchamment. Elle ne parlait plus, elle criait. Souvent le soir, elle entendait, depuis sa chambre, ses parents parler. Ils se posaient encore la même question de savoir s’ils faisaient le bon choix. Et Clara écoutait toujours et encore les mêmes arguments.

 

            Les jours passaient et le départ arriva. Pour son dernier jour d'école, une surprise l'attendait. Tous ses camarades de classe ainsi que ses professeurs lui avaient préparé une petite fête. Elle reçut de nombreux petits cadeaux, des petits mots des uns et des autres. Tous la rassurèrent : jamais ils ne l'oublieraient. Les professeurs, quant à eux, lui souhaitèrent de bien continuer sa scolarité en Russie.

Ce fut un moment qu'elle n'oublierait jamais. A la sortie de l'école, la séparation fut émouvante. Tous lui dirent au revoir et Clara ne put retenir ses larmes.

Sur le trajet du retour, les images se bousculaient dans sa tête. Clara était partagée entre un sentiment de soulagement et d'excitation. Elle était maintenant rassurée, ses amis l'attendraient. Ils voulaient absolument avoir de ses nouvelles très rapidement. Elle se surprit même à essayer d'imaginer sa nouvelle vie en Russie. De retour à la maison, les cartons l'attendaient. Toutes les affaires étaient prêtes ; il ne restait plus qu'à les emballer, à fermer les valises et la petite famille pouvait s'envoler vers cette terre inconnue. Cette nuit-là, Clara ne put trouver le sommeil.

Quelques heures plus tard, elle se retrouva assise dans un taxi, en route pour l'aéroport direction la Russie. Ils n'avaient qu'une crainte, c'était de se perdre. Mais le voyage se passa sans encombre.

 

            L'avion atterrit enfin à Moscou. Quand ils sortirent de l'aéroport, le froid les saisit, le sol était glacé, tout était sombre, gris et sale. Mais Clara n'eut pas le temps de s'apitoyer. Elle devait se dépêcher, récupérer ses valises et s'engouffrer dans un taxi, qui semblait sortir d'une autre époque !

Les sièges étaient durs, recouverts d'un très vieux tissu. De nombreuses décorations ornaient le tableau de bord et la radio chantait une musique que Clara n'avait jamais entendue. Le plus étrange, c'était l'odeur de la Russie. Chaque fois qu'elle inspirait, elle se voyait chez sa mamie, montant le grand escalier qui menait au grenier. Mais elle avait beau fouiller dans sa mémoire, Clara n'arrivait pas à déterminer exactement de quelle odeur il s'agissait.

Assise à l'arrière du véhicule avec sa maman, Clara regardait le paysage qui défilait sous ses yeux.

Devant elle s'étendait à perte de vue une forêt, dense et sombre. Quelques déchets traînaient sur les bas-côtés. Les voitures étaient vieilles et sales. Clara n'arrêtait pas de regarder, d'observer le chauffeur. Il ne parlait pas et fixait la route. Clara se dit qu'il était comme n'importe quel chauffeur de taxi en France. La route fut longue, interminable. Cette forêt n'en finissait plus. Clara était morte de fatigue, mais les nids de poules sur la route la secouaient dans tous les sens et la maintenaient éveillée.

Au bout d'un temps qui lui parut une éternité, le père de Clara brisa le silence. Il leur annonça qu'ils étaient arrivés. Clara leva les yeux. Elle ne vit que les lumières de la ville. Le taxi s'arrêta au pied d'un immeuble. Il était vieux, gris et en très mauvais état. En montant les escaliers, Clara fut étonnée d'entendre autant de bruits. C'était la radio, la musique et les conversations des voisins. Elle eut l'impression que tout le monde vivait ensemble. Clara et ses parents découvrirent enfin leur nouvel appartement. Il était vieux et abîmé ; les murs étaient recouverts d'une tapisserie ancienne. Clara en fit vite le tour : c'était beaucoup plus petit que chez elle en France. Il faisait très froid dans cet appartement et il y régnait une odeur indescriptible, la même que dans la cage d'escalier. La mère de Clara s'empressa de faire les lits afin que tout le monde puisse se reposer car le lendemain il y avait école. Jamais elle n'aurait pensé dormir sur ce lit en Russie. Il y avait aussi cette odeur des draps qui lui rappelait la France. Et c'est dans ces souvenirs que Clara s'endormit rapidement.

 

            Le lendemain matin, le réveil sonna à sept heures. Toute la petite famille émergea avec difficulté de cette courte nuit de sommeil. Il faisait très froid. Clara prit rapidement son petit déjeuner avec ses parents et se retrouva sur le trottoir, en bas de l'immeuble à attendre le bus pour l'école. Elle fut très surprise lorsqu'elle le vit arriver. Ce n'était pas un bus mais une vieille camionnette qui s'avança vers elle. Elle était remplie d'enfants silencieux emmitouflés dans leurs gros anoraks. La porte s'ouvrit et Clara monta dans le véhicule.

« Bonjour …», bégaya-t-elle timidement. A sa grande surprise, les enfants lui dirent bonjour et l'invitèrent même à venir s'asseoir près d'eux.

Une fois arrivés à l'école, Clara s'arrêta stupéfaite devant ce petit bâtiment. Ce n'était pas une école mais un ancien commissariat. Le bâtiment était très petit et en mauvais état. Il n'y avait presque personne, les classes étaient composées de trois ou quatre élèves. A chaque cours, Clara se retrouvait assise face à un professeur. C'était la catastrophe. Elle resta silencieuse jusqu'au soir.

En rentrant à la maison, elle ne savait plus quoi faire. Elle tenta de joindre sa famille et ses amis mais en France personne ne répondit. Elle était persuadée que tous l'avait déjà oubliée. Ses parents ne pensaient qu'à leur installation et essayaient de tout faire pour arranger au mieux ce logement qui allait devenir leur nouvelle maison.

 

            Les jours se suivirent et Clara n'arrivait pas à se faire à cette nouvelle vie. Cette ville lui restait étrangère. Les gens se déplaçaient en bus, des véhicules qui n'étaient pas plus grands que des camionnettes, serrés les uns contre les autres. Les bâtiments étaient sales, mal entretenus. Il y avait quelques maisonnettes en bois où habitaient encore des gens. Clara aimait bien ces maisons ; elles ressemblaient à des maisons de poupée. Mais Clara se sentait seule. Elle ne parlait à personne et s'ennuyait. Chaque soir, en rentrant de l'école, elle posait ses affaires et allait s'asseoir sur le rebord de la fenêtre de sa chambre.

Elle regardait le ciel et pensait aux bons moments passés en France avec ses amis.

Mais un jour, son regard fut attiré par des cris d'enfant qui venaient du bas de la résidence.

Dans un petit parc sombre et gris, elle vit de la couleur, et en observant plus attentivement, elle crut reconnaître une balançoire. Clara décida de descendre et alla s'asseoir sur l'une d'elle. Quelques minutes plus tard, une jeune fille vint vers elle et se mit à  se balancer juste à côté d'elle. Clara l'observa et la trouva jolie. Elle devait sûrement avoir le même âge qu'elle. Depuis ce jour-là, chaque soir après sa journée d'école, Clara attendait quatre heures pour rejoindre les balançoires. La petite fille était toujours là.

Mais un soir, alors que Clara s'installait sur une des balançoires, la petite fille se leva et se mit à la pousser puis elle prit la main de Clara et l'emmena auprès d'une vieille dame assise sur un banc.

Clara ne savait pas si cette grand-mère souriait ou si elle essayait de lui dire quelque chose. Elle la regardait avec de gros yeux. Elle avait le même regard que sa mamie. Celle-ci lui tendit la main et lui donna quelque chose à manger : la couleur ressemblait à celle du pain et même si il n'y avait pas d'emballage ni de pépite de chocolat sur ce gâteau, il sentait très bon. Clara n'en fit qu'une bouchée.

Elle remercia la grand-mère qui lui fit un grand sourire. Le lendemain, la petite fille se mit enfin à parler à Clara. Elle lui dit  son nom : elle s'appelait Natalia. Celle-ci n'eut pas de mal à retenir le prénom de Clara, il se finissait aussi en « A ». Ce jour-là, Natalia lui prit la main, et l'emmena non loin de chez elle, juste de l'autre côté de la rue. Elles chaussèrent une paire de patins et Natalia poussa Clara sur une piste glacée. Même si Clara n'avait jamais fait de patin de sa vie, il ne lui fallut que peu de temps pour s'élancer sur la glace, comme tous les autres enfants, au son d'une musique russe. Clara était enchantée.

 

            Ce fut là un des meilleurs moments passés depuis son arrivée en Russie. Et depuis ce jour-là, Clara se surprit à aimer la vie russe. A chacune de ses sorties, une nouvelle découvert l'attendait. C'est avec un tout autre regard qu'elle se mit à voir sa nouvelle vie en Russie.

 

            Ne dit-on pas qu'il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir ?

 

 

 

 

Nouvelle de Clément Gabriel-Robez, classe de 5ème.

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 19:41

Happiness in a Life of Misery

 

 Mardi 24 Novembre. Moi, Lisa, 15 ans, je suis là, seule, dans ma « chambre d'hôpital » qui ressemble plus à une prison dissimulée qu'à un lieu destiné à la médecine, dont le but est de sauver des vies … Cela fait désormais longtemps que je suis « là » … Trop longtemps. Je ne rêve que de sortir, courir dans le monde qui se trouve derrière ce double vitrage et ces murs de béton, respirer l'air frais, sentir le vent effleurer ma peau, être éblouie par le soleil, rire - même si je sens que cette fonction est, et restera, close et inaccessible jusqu'à ce que mon âme devienne une étoile dans l'Immensité Céleste - , chanter - mais aucun son joyeux ne veut plus sortir de mon cœur - , crier - mais le seul cri continu qui retentit en moi est rempli de détresse, de mélancolie et de pleurs … - Je regarde ces murs blancs et froids, que je côtoie depuis à peine deux semaines, ces dernières aussi longues que des mois entiers. Dehors, la pluie s’abat sur la ville en émettant des sons monotones et répétitifs. Je me rapproche de la fenêtre. Petit à petit, mon regard s'embrume, tant et si bien que je n'arrive plus à distinguer les détails de la rue qui m'est pourtant bien familière. De mes yeux s'écoulent désormais de lourdes et silencieuses larmes provoquées par la tristesse... Dans ma tête résonnent toujours les mêmes questions, plus dures et imposantes, toujours sans réponses, ni explications valables : « Pourquoi moi ? » suivie de « Qu'est-ce que j'ai fait pour en arriver là ? »

 

 

Ma vie s'écoulait alors tel un doux fleuve tranquille. Populaire, je passais tout mon temps avec mon groupe d'amis, sortais sans cesse, m'ennuyais rarement, même si les histoires de mon lycée se répétaient et étaient, la plupart du temps, sans grande importance. Cependant j'étais vite lassée du déroulement des actions et des péripéties que je trouvais trop pathétiques et sans grande valeur à mes yeux.

 

Un jour, alors que ma mère et moi étions dans le salon – ce qui ne nous arrive pas souvent, étant donné qu'elle travaille sans relâche et ne prête aucune attention particulière à son unique enfant – elle ouvrit mon bilan médical effectué quelque temps plus tôt et reçu le jour même, en raison d'un voyage à l'étranger organisé pour les vacances. De temps à autre, je jetais un coup d’œil à elle par-dessus l'ordinateur. Jusque-là, son visage était, certes fatigué, mais plutôt détendu. Puis d'un coup, ses sourcils se froncèrent, elle relut plusieurs fois la même phrase de mon dossier, ses yeux s’écarquillant au fur et à mesure de sa lecture. Les papiers tombèrent, sous le regard choqué de ma mère qui n'arrivait visiblement pas à digérer le contenu de ces pages. Elle courut vers moi, me prit dans ses bras tout en murmurant de douces paroles espacées, en me caressant tendrement les cheveux « Mon cœur … Mon petit ange... » Je la repoussai au bout de quelques instants. J'avais dû manquer un épisode. Alors, elle posa son profond regard d'ébène dans mes yeux verts (le seul héritage que m'a laissé mon père). Le silence s'installa entre nous deux. De longues minutes passèrent, à se regarder, puis elle réussit à m'annoncer d'une voix faible : « Tu … Tu es gravement malade, ma chérie. » Je lui répondis avec un grand sourire que tout allait pour le mieux, que je me sentais merveilleusement bien et qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter. Mais Maman secoua doucement la tête, de gauche à droite, avant de se lancer. « Non … Cette maladie ne se « sent » pas, pourtant elle est bien en toi. » Elle prit une inspiration : « Mon cœur, tu es atteinte d'un cancer. » Sur le moment, je ne compris pas, mon cœur ne fit qu'un bond avant de s'arrêter complètement. « C'est une blague ? ! » je ne pus m’empêcher de m'exclamer. Malheureusement, cette nouvelle n'était autre que la dure et affreuse réalité, que pourtant je n'arrivais pas à croire … Comment cela était-il possible ? Je ne savais que dire, que penser. Tout en moi se bousculait sans aboutir à quelque chose de concret.

 

Les semaines passèrent, lentement, les rendez-vous chez les médecins et les examens médicaux se multiplièrent. J'étais toujours en liberté, mais je savais que cette dernière ne serait plus de longue durée … Ma mère me préparait des « festins de médicaments », leur nombre s’amplifiant au fur et à mesure du temps qui s'écoulait. La fatigue prenait possession de mon corps à un point tel que mon docteur dut faire une lettre à mon professeur principal. Lorsque je la lui remis, il la lut attentivement, sans se presser, puis posa sur moi un regard plein de pitié comme celui qu'on accorde à un petit chiot égaré sur la route. Chose qui fit naître en moi un sentiment où se mêlaient colère et incompréhension. Je ne supportais pas de me plaindre ou qu'on me plaigne. Je voulais être traitée comme tout le monde, sans privilèges, malgré ma maladie. A chaque fois qu'un de mes proches apprenait la nouvelle, il ne pouvait s'empêcher de m'adresser ce regard Dupauvrechiotbattuégarésurlaroute et à chaque fois ce sentiment désagréable refaisait surface, m'agaçant désespérément de plus en plus. Je ne fis part de tout cela qu'à quelques amis : ceux que je côtoyais le plus et en qui réside ma confiance absolue. Ils sont quatre. Pas un de plus, ni un de moins. Je ne tenais pas à ce que le monde entier le sache, mais le fait que le cancer m'habitait se faisait voir peu à peu : les traitements trop forts aboutirent à la perte de mes longs cheveux châtains et lisses. Je me coiffais alors d'un turban au début, puis, assumant pleinement ma maladie, j'exposais mon crâne maintenant chauve. La plupart des lycéens se murmuraient des choses lors de mes passages, mais les critiques firent bientôt place à un silence respectueux.

 

Un mois se déroula ainsi, jusqu'au jour où nous reçûmes une prescription de plusieurs professionnels, m'incitant à prendre place à l'hôpital Necker. Mon état s'était nettement aggravé et j'en avais bien conscience. Je transmis l'information à mes meilleurs amis. Mes quatre à moi. Lorsque le moment de mon exil arriva, je les serrai fort dans mes bras, puis, en esquissant un sourire forcé suivi d'un clin d’œil, je disparus dans la petite Peugeot de ma mère. Le trajet me parut comme infini et un silence de plomb fit office de seule conversation. Puis, l'imposant hôpital Necker apparut. Je ne pus retenir un long et profond soupir et Maman sourit, trop gênée pour ajouter un mot. Je savais que pour elle aussi, cela allait être dur … Peut-être même encore plus que pour moi. Une larme amère roula sur ma joue lorsqu'on dut se dire « Au revoir ». Elle reviendrait me voir, mais …

 

Les bruits répétés d'une main frappant à ma porte me tirent de ma « rêverie », pourtant incomparable à la douceur d'un rêve… Avant que je puisse dire quelque chose, Célia, l'infirmière chargée des adolescents, apparaît, souriante et éclatante, comme d'habitude.

« Bonjour ma Lisa ! Alors, comment vas-tu ? s'écrie-t-elle

–        Bah … »

En voyant ma mine blanche et mes yeux rouges où une larme continue malgré tout de se former, elle réplique :

« Je vois … Bon, je t'amène tes nouveaux traitements. Eh oui, ils ont changé ! sourit-elle.

–        Encore … je soupire.

–        C'est pour ton bien.

–        Oh, tu sais, au point où j'en suis … »

Célia s'assoit sur mon lit et me fait signe de la rejoindre. En passant devant le petit miroir traître accroché au mur, j'écarquille les yeux quand j’aperçois mon reflet.

« J'ai une tête de morte vivante ! je m'écrie, esquissant un sourire forcé.

–        Je ne suis pas d'accord ! Elle s'approche de moi et m'oblige à rester devant ce miroir. Regarde-toi… Tu sais ce que je vois dans ton reflet ? Je vois une jeune fille, belle, intelligente, forte, qui doute un peu trop d'elle alors qu'elle ne devrait pas, et qui va continuer à avancer, droit devant elle. Oh, il y a juste un truc qui ne va pas. »

            Du revers de sa main douce, elle essuie la larme et mes joues trempées. « Voilà qui est mieux. » sourit-elle. Elle est adorable, Célia. Plutôt grande, les cheveux relevés en chignon, un visage frais et café au lait, elle est la gentillesse incarnée. Ses petites visites me font le plus grand bien et rallument en moi une petite flamme, qui se nomme courage.

 

Flamme qui s'éteint d'un coup lorsqu'un vent glacé surgit soudainement. Des paroles dans lesquelles la discrétion n'est pas le maître mot, murmurées derrière la porte de ma chambre par des médecins m'apprennent que mon cas est désespéré et que Lisa est destinée à mourir. Le vide. Il s'empare de moi, comparable à une tornade n'ayant qu'un seul but : Tout détruire. Je ne me sens plus. Je m'assois délicatement sur mon lit défait. Mon regard paraît mort et sans émotion. Je ne sais que faire. Aucune larme ne daigne sortir, mon cœur est comme arraché. Mon chemin est clair, pourtant, je n'arrive pas à comprendre… Tout, autour de moi, s'efface. J'ai la terrible impression d'être piégée, ligotée, ne pouvant plus échapper à la réalité venimeuse… Les cordes se resserrent, m'emprisonnent. La nasse empoisonnée s'agrippe à moi, plante ses ongles abominables dans ma chair. Ma respiration est saccadée et rapide. Je me sens de plus en plus faible et cela n'est pas qu'un sentiment. On ne peut tomber plus bas dans ce précipice sans fin. Je voudrais crier, mais ma voix a comme été subtilisée et aucun son ne sort …

Le temps lui-même a aussi perdu tout sens.

Les secondes sont comme des minutes.

Les minutes comme des heures.

Les heures comme des jours.

Les jours comme des semaines.

Les semaines comme des mois.

Et les mois comme des années …

Je ne souhaite qu'une chose : me réveiller de ce cauchemar réaliste.

 

Je passe mes journées assise devant ma fenêtre à regarder tristement la liberté, dehors. La dernière fois que j'ai pu y goûter, à cette liberté, est si lointaine...

De gros flocons de neige tombent, lentement mais sûrement, et la température ne cesse de baisser. Enfin ça, je ne peux pas le vérifier, mais Célia m'en assure. D'ailleurs, la voilà qui arrive. Elle entrouvre la porte, se glisse dans ma chambre, un sourire malin sur les lèvres…

 

« Bonjour ! Que fais-tu près de cette fenêtre, comme une petite vieille, ma belle ?

–        Coucou ! Oh … J'observe. dis-je en esquissant un petit sourire pour la comparaison.

–        Eh bien, cesse tes observations : j'ai une surprise pour toi !

–        De quoi s'agit-il ? C'est déjà Noël ? Je l'interroge, curieuse et confuse à la fois.

–        Mais non, pas encore. Mais l'amitié n'attend pas Noël pour se montrer. »

 

Elle me fait un clin d’œil avant d'ouvrir à nouveau cette porte séparant deux mondes opposés. Et à ce moment précis, mes quatre meilleurs amis entrent, en se bousculant et pestant contre ce « pays où le froid est si saisissant ». Ils sont tous là : Alice, Diane, Nathan et Robin. Ils me regardent en riant devant ma mine abasourdie. Je me précipite vers eux, une boule de bonheur naissant dans ma gorge. Ils sont venus, ont traversé toute la ville pour me voir.

« C'est … adorable … d'avoir parcouru tant de kilomètres pour … moi.

-          C'est toi qui es adorable, Lisa, réplique Diane pendant que les autres se « mettent à l'aise », enlèvent leur manteau, prennent des chaises.…

« Alors, quoi de beau, ici ? commence Nathan.

Je regarde la chambre blanche immaculée avant de lâcher un « Rien, que veux-tu qu'il m'arrive là ?

–        Bah … Pas grand chose ! rit ce dernier. Son rire … Qu'est-ce qu'il m'a manqué ! Pouvoir à nouveau les voir est comme une bouffée d'oxygène.

–        Par contre, chez nous, il y a du nouveau ! s'exclame Alice en secouant ses magnifiques cheveux blonds qui me font rêver…

Et nous revoilà partis dans des discussions délirantes, comme Avant. Au début, je me contente de sourire et de faire part de mes commentaires, mais suite à une vanne de Robin, j'explose de rire, au sens propre du terme ! Je ris, j'en ai mal au ventre. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas laissé éclater ma joie, étant donné qu'elle était inexistante. Me voyant rire, ils s'y mettent aussi, et nous sommes là, ensemble, dans cette même chambre d'hôpital qui a pourtant changé de visage, et nous RIONS, tels de purs idiots, sans complexe, ni hypocrisie. Ils se coupent la parole ; chacun veut s'exprimer, raconter les « petits potins du bahut » comme ils disent, me faire sourire, m'informer du monde réel, … Ces moments sont ce qui se rapproche le plus de la magie.

Avant de repartir, car « le devoir les appelle » selon Nathan, chacun me fait la bise et me promet de revenir dès que possible. « Je les aime tellement fort ! ». Cette phrase tourbillonne dans ma tête et me rend heureuse. Ils se sont déplacés pour moi, n'ont pas été choqués par mon cuir chevelu totalement chauve, ont tout fait pour réanimer en moi la petite flamme qui s'était éteinte.

 

Ma mère passe aussi me voir, de temps en temps. Ses visites sont relativement courtes pendant la semaine, mais le week-end, elle reste presque toute la journée avec moi. Notre relation est si différente par rapport à autrefois. Ou plutôt, maintenant, nous avons une relation. Je lui confie toutes mes appréhensions, mes pensées, mes sentiments, … et elle m'écoute attentivement, pendant des heures. Elle me répond quand elle juge que cela est nécessaire. Une chaleur maternelle se dégage de sa voix cristalline.

 

De plus, je me rapproche de Célia. Elle vient tous les jours, sans faute. Alors, elle me raconte des anecdotes, les premiers pas de son fils, ce qu'il se passe Dehors, elle me donne mes médicaments… Nous rions beaucoup ensemble, et, de mon côté, je lui conte sur quels sujets étaient mes conversations avec mes amis, ma mère, … Elle seule connaît mon destin et me répète sans cesse que « Pour vivre, les capacités sont bien moins importantes que le courage et la force d'y croire. »

 

De mon unique grande fenêtre, j'aperçois Alice, Diane, Nathan et Robin qui se dirigent vers l'entrée du bâtiment. Je me réjouis de les revoir, comme chaque mercredi où ils viennent tous ensemble. Dès que ma porte s'ouvre, je bondis vers eux pour les saluer. J'ai déjà préparé la chaise habituelle de chacun. Alors, avec un sourire, Diane commence (c'est souvent elle qui entame la conversation) :

–        Comme tu le sais, nous ne serons pas là pendant les vacances de Noël. En effet,  je vais chez mes grands-parents près de Lyon...

–        Moi, je retourne en Ukraine, annonce Robin.

–        Quant à moi, je m'en vais à Rennes, déclare Alice.

–        Par contre, moi, je pars en voyage dans les îles avec ma famille... tranquille ! S'exclame Nathan en effectuant une petite danse hawaïenne. Diane met fin à ces mouvements ridicules d'un coup de coude.

–        Bref... nous t'avons apporté des petites choses qui te feront passer le temps. »

 

De leurs sacs respectifs, un par un, ils sortent les « choses » : Nathan me présente son ordinateur. Je n'en reviens pas : lui qui ne s'en sépare jamais !!! Il ajoute, en riant :

–        Comme cela, tu pourras nous joindre quand tu veux, peu importe la distance. J'ai vu qu'il n'y a pas de Wifi dans l'hôpital, donc je t'ai installé une carte qui fonctionne comme un mini modem, ne la retire surtout pas, sinon les ... »

Il s'arrête en voyant ma mine dépitée qui montre que je n'ai rien compris à son histoire de modem et que l'informatique et moi, cela continue à faire deux. Il reprend :

–        En plus, il y a aussi des jeux dessus, il ne te reste plus qu'à t'intéresser à ceux de guerre et de courses de voitures !!! Il y a aussi toutes les fondations de mon site, ne fais pas de fausse manipulation !

 

Diane, elle, me donne les six premiers tomes d'une série de livres fantastiques qu'elle a beaucoup appréciée. Il y en a douze au total,  m'explique-t-elle. De quoi bien m'occuper !

 

 

 

Quant à Robin, il me prête son iTouch rempli de musiques et d'applications. Il me confie son code et je le déverrouille de suite. Une chanson défile «  Happiness in a life of misery ». Le titre correspond tellement bien avec ma situation : ils sont ma joie dans ce monde si cruel... Il me déclare avec un clin d'oeil :

–        C'est mon dernier mix, tu m'en diras des nouvelles !!!

 

Alice, enfin, m'a apporté des films de toutes catégories et un petit carnet noué par un ruban.

«  Ouvre-le quand nous serons repartis et dans les moments les plus durs, lorsque tu penseras à nous. Sache que... nous serons toujours là pour toi. »

Après ces douces paroles, tous quatre se lèvent et déclarent d'une seule voix : « POUR TOI ! ». A ces mots, ils enlèvent leurs bonnets et... plus un seul cheveu ne se trouve sur leurs têtes. Ils sont tous chauves !

« Nous sommes quittes maintenant ! » déclare Nathan.

–        Mais vous êtes devenus fous ! Je m'exclame en leur sautant au cou.

–        Oui : de toi et pour toi ! » me répond Diane.

 

Cet acte agit sur moi tel un électrochoc. Je suis tellement émue, je n'arrive plus à m'exprimer et ne sais comment les remercier... de légères larmes sortent de mon âme, mais cette fois-ci, contrairement à avant, ces larmes sont la mise en objet de mon bonheur. Un bonheur qu'ils ont fait renaître en moi. Avec eux, je me sens merveilleusement bien, Je n’oublie pas ma maladie, mon physique, mon futur. Je sais bien qu'il ne me reste plus que quelques mois à vivre ; pourtant, j'ai compris : il vaut mieux rire que pleurer, se réjouir plutôt que se lamenter, être heureux plutôt que déprimer... Un célèbre peintre nommé Henri Matisse a un jour prononcé cette phrase si pertinente et où la vérité triomphe : « Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir ». Alors, maintenant, quel que soit mon avenir, mon présent se définit en un seul verbe : PROFITER. Oui, je profite : des amis, de Maman, de Célia, du temps, des moments, de tout ce qui m'arrive et ce qui va m'arriver. Si je dois mourir, je l'accepte, le sourire aux lèvres, fière d'avoir su profiter de ce qui m'était offert et d'avoir su voir ces magnifiques fleurs sans épines s’épanouir autour de moi.

 

 

 

 

 

Nouvelle de Maëlle Viatte, classe de 3ème.

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 19:39

La fraternité au-delà de l’obscur …

 

 

J’étais persuadée que le bonheur se résumait uniquement aux objets qui nous sont chers, le dernier iPhone, la dernière console de jeux … C’est ce que je pensais, jusqu’à ce mardi de Noël.

 

Le traditionnel repas de famille est pour mon grand-père, chaque année, une occasion de nous raconter ses histoires d’antan. Généralement, ces discussions prennent la tournure d’une comparaison entre son enfance de paysan dans les alpages, où il manquait de tout, mais n’avait besoin de rien, et notre génération urbaine, où il ne nous manque rien, mais où nous avons besoin de tout. Mais ce mardi, Papy n’était pas d’humeur critique. Avec une certaine émotion dans la voix, il commença à nous raconter l’histoire de mon arrière
grand-père, Joseph Thabuis, et de son frère, Honoré, partis tous deux à la guerre de
14-18 dans la Somme.

 

                 “ La guerre battait son plein, les soldats vivaient et se cachaient dans les tranchées avec la perpétuelle angoisse de ne jamais en sortir vivant. Chaque jour, la perte de leurs camarades et amis devenait de plus en plus pénible; la seule pensée qu’un autre homme mort au combat ne revienne jamais, terrorisait Joseph. Cet homme, était-il un père ? Un mari ?
Ce qui est certain, c’est qu’une mère venait de perdre son enfant… Cette première guerre mondiale, où plus de neuf millions de personnes sont mortes, fut la plus dévastatrice.
Quatre années de guerre rendirent les soldats méconnaissables. Ne pouvant ni se laver, ni se raser, souvent privés d’eau et de provisions, allant jusqu’à manger des rats pour survivre, les soldats étaient dans un tel état de saleté, qu’on avait peine à les reconnaître. Leur surnom de Poilus décrivait leur apparence de combattants épuisés.

 

Par un après-midi pluvieux, deux régiments fatigués par les assauts répétés contre les ennemis, se rencontrèrent. Rien d’inhabituel, mais le destin en a décidé autrement.
Lors de cette halte commune, deux regards se sont trouvés. Une voix familière s’est démarquée des autres :

« C’est toi Honoré ?

- C’est toi Joseph ? »

Couverts de boue, les deux frères s’enlacèrent fébrilement. Les larmes leurs montèrent aux yeux, leurs cœurs s’emballaient et leurs jambes défaillaient sous l’émotion de cette rencontre inattendue. Ils avaient peine à s’exprimer tellement la joie de se retrouver était intense.
Ils restèrent ainsi, longtemps, collés l’un à l’autre, avec la crainte de devoir bientôt se séparer. Au bout d’un certain temps, les paroles affluèrent :

« As-tu des nouvelles de la ferme ?

- Comment vont Papa et Maman ? »

Les dernières lettres reçues furent partagées, les souvenirs d’enfances remémorés.

« Que de bons moments nous avons passés à la montagne ! Te souviens-tu de… ? ».

Ils riaient, pleuraient, se souvenaient… Le bonheur de ces retrouvailles réchauffait leurs cœurs. Des projets étaient envisagés pour leur retour à la maison, après cette sale guerre. Aveuglés par l’émotion qui les submergeait, les bombes ennemies qui se déversaient au loin ne comptaient plus.

L’heure de la séparation sonna, les larmes redoublèrent d’intensité. Les deux frères eurent peine à se séparer, en sachant pertinemment qu’ils risquaient de ne plus jamais se revoir. Chacun reprit sa route sans se retourner, par peur de ne plus avoir suffisamment de courage pour continuer. La gaieté de leurs retrouvailles les avait soudés pour le reste de leur vie. Cette trêve fut longtemps racontée par Joseph et Honoré lors de leur retour, à la fin de la guerre.
Au milieu de cette turbulence, la bataille s’était arrêtée pour deux frères qui ne s’étaient pas revus depuis trois ans.

 

A la fin de son récit, mon grand-père retira ses lunettes, afin de pouvoir essuyer ses larmes du revers de sa manche. Il vouait une admiration sans faille à son père qui lui disait
« Vivre libre ou mourir, tel est le slogan des anciens des Glières ». Mon Papy est fier d’être l’un des derniers fils de Poilus.

 

Il ajouta :

« Alors comment pourrait-on oublier tous ces grands hommes, blessés, mutilés, massacrés, qui ont donné des années de leur vie pour sauver notre si beau pays, la France ? Espérons que vous ne vivrez jamais cela, ne laissez jamais l’obscurité vous atteindre, ouvrez les yeux et appréciez ce que vous voyez, ouvrez votre cœur et laissez la simplicité y entrer.
La vie est parfois difficile, mais soyez toujours en éveil, le bonheur est à la portée de chacun de nous, et sachez qu’il y a des fleurs partout pour ceux qui veulent bien les voir… »

 

Mon grand-père est un sage, il venait de donner un sens à cette phrase de Matisse.
Il est vrai que nous passons notre temps à courir après le superflu, en oubliant d’apprécier les choses simples de tous les jours… Un coucher de soleil, un rire d’enfant, une parole gentille, une fleur qui vient d’éclore …

 

 

 

Nouvelle de Jessie Thabuis, classe de 4ème.

 

 

 

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 00:09

Une dernière danse

 

 

 

  Lorsque j’étais petit, ma Mère me disait une phrase, une phrase dont je ne comprenais pas le sens. Aujourd’hui encore, rien n’y fait, malgré le temps, cette phrase me paraît toujours obscure. Ma mère me disait : « Le jour venu, tu comprendras cette phrase qui t’est si incompréhensible. »

  Et bien Maman, j’espère que tu seras fière de moi, car sache que j’ai enfin compris…

  Je n’ai pas voulu te le dire, de peur que tu ne t’inquiètes à mon sujet, mais je suis allé à une soirée entre amis, j’ai fait comme tu m’as toujours dit « ne bois pas si tu reprends le volant », c’est pour ça que je n’ai bu que des sodas. Je me sentais fier d’avoir suivi ton conseil, j’étais bien un des seuls parmi mes amis à être encore lucide… A la fin de la soirée, les personnes ivres montaient dans leurs voitures, et moi, dans la mienne car j’étais sûr d’être en état de conduire. Cependant Maman, malgré ma lucidité, une chose imprévisible s’est produite… Et maintenant je suis ici, allongé sur le sol, entouré de policiers, de pompiers, et d’ambulanciers qui parlent entre eux. J’imagine que la personne qui était dans la voiture qui m’a percuté était saoule. Maman, les bruits s’éloignent de moi, mon sang m’entoure et pourtant, j’essaie de rester fort, mais malgré cela, les larmes coulent le long de mes joues rouges de mon sang. J’ai réussi à percevoir une parole venant des ambulanciers qui disaient : « Il ne va pas tenir le choc ». Je suis sûr que l’homme présent dans la voiture ne voulait pas me blesser. Mais malgré mon état actuel, des questions se posent à moi, pourquoi est-ce lui qui a bu, et moi qui doit mourir ? Pourquoi la vie est-elle aussi injuste ? Pourquoi les gens agissent ainsi, alors qu’ils savent qu’ils peuvent détruire tant de vies ? Maman, dis à ma petite sœur de ne pas avoir peur, dis à papa d’être fort, et s’il-te-plaît maman, rends visite au garçon et donne-lui des conseils comme tu l’as fait pour moi. Peut-être que si ses parents lui avaient dit, je ne serais pas ici, entre la vie et la mort. Ma respiration s’affaiblit de plus en plus, un voile noir se baisse sur mes yeux, et pourtant dans cette obscurité, je vois cette lumière blanche qui fait peur à tant de gens, dont moi en ce moment. Je vois cette lueur blanche avancer sur moi et malgré cela je suis heureux, heureux d’avoir compris cette phrase ; cette phrase qui m’a tellement fait réfléchir ; cette phrase d’Henri Matisse : « Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir. » Serait-ce l’ironie du sort que de comprendre cette phrase en un tel moment ? Car sache, maman, que les fleurs, malgré cette lueur qui est proche de moi maintenant, prête à me prendre dans ses crocs, je les vois tout autour de moi, m’ouvrant le ciel au paradis. J’aurais tellement voulu que tu sois auprès de moi en ce moment si terrible, pendant que je meurs ici, sur le sol, non pas pour te voir pleurer, mais pour qu’une personne aussi sainte que toi m’aide à surmonter mes douleurs qui me sont insoutenables. Je voulais te dire encore tellement de chose maman, mais n’oublie surtout pas que je t’aime ! Je promets de te protéger, d’être ton ange gardien comme tu l’as été pour moi. Et n’oublie pas de remercier cette aimable journaliste qui a accepté décrire cette lettre pour toi, prends soin de cette lettre, car dans cette lettre repose mes dernières et âpres paroles. Au revoir maman, et merci…

 

 

 

 

Nouvelle de Roman Fougerolle, classe de 2de.

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 00:05

Bonheur à Paris

 

 

 

            Notre histoire se passe à Paris dans le 6ème arrondissement. C'est l'hiver. Les rues sont désertes à cause du froid. A l'angle de la rue d'Assas et de Rennes se trouve une très mignonne maison. De ses quatre étages, elle domine le carrefour. Le crépi est blanc cassé et les volets sont peints en bleu lavande. Sa hauteur ainsi que son étroitesse la rendent fragile. En journée, on peut croire en la voyant qu'elle est inhabitée. Mais dès que la nuit recouvre Paris de son voile bleu foncé et que chaque fenêtre s'éclaire l'une après l'autre, elle vit. On peut voir à travers les carreaux épais le sapin de Noël clignoter, toutes sortes de bougies aussi belles les unes que les autres. Les enfants jouent, les adultes discutent. La cheminée, au sommet du toit, fume toutes les nuits. La maison à l'air ainsi d'un petit cocon familial où il fait bon vivre.

 

            La propriété appartient à Monsieur et Madame Beviatro. Ils sont connus de tous les alentours. On peut les croiser en fin de journée dans le parc du Luxembourg lors de leur balade quotidienne. Jacques Beviatro travaille dans un cabinet d'avocat. C'est un homme calme et intelligent. Il déteste attendre au feu rouge avant de traverser. Il aime entendre le bruit du papier de l'enveloppe que l'on déchire avec un coupe lettre. Ce qu'il aime plus que tout au monde ? Son épouse ! Marie Beviatro est à l'image de la grand-mère que vous et moi aimons tant : attendrissante et douce. Elle est à la retraite afin de s'occuper pleinement de leur petit chez eux. Elle déteste le voisin lorsqu'il tond la pelouse. Elle aime sentir le linge propre qui sort de la machine à laver. Ce qu'elle aime plus que tout au monde ? Son mari ! Ces deux-là sont inséparables. Lorsque M. Beviatro part pour le travail le matin, à peine fait-il dix mètres dehors qu'il manque déjà à sa femme. Elle cuisine pour son mari la journée et l'attend tous les soirs. Depuis leur mariage en juillet 1956, ils ne se quittent plus. Leur amour est toujours aussi fort, « comme un jeune couple » dirait-on de nos jours. Ensemble, ils ont donné naissance à quatre branches de leur arbre généalogique. Durant les fêtes de fin d'année, toutes les familles se réunissent chez leurs parents. La maison est alors vivante comme elle ne l'est jamais d'habitude. Petits et grands rient, discutent, jouent...

 

            Aujourd'hui, toute la famille est allée se promener dans la capitale. Seule la petite dernière de la fratrie des Beviatro, Charlotte, est restée avec sa grand-mère au chaud. Marie s'est installée auprès du feu et fait du tricot. Charlotte, elle, joue avec les vieux jouets de la maison. Tout est calme. On entend seulement le feu qui crépite et les rires de la fillette. Dans le four, les gâteaux de Marie cuisant et leur odeur alléchante se répand dans toute la maison. Dans le salon, Mme Beviatro est plongée dans son tricot. Tellement absorbée par sa tâche qu'elle n'a pas vu sa petite-fille  venir à elle sur la pointe des pieds. Elle se fait interrompre par une petite voix :

            « Dis mamie, ça veut dire quoi « Il y a des fleurs partout pour celui qui veut bien les voir » ?

–        Où as-tu entendu cette bien jolie phrase ma chérie ?

–        Mademoiselle Broyet écrit chaque semaine une phrase en haut du tableau. Elle nous a dit que pour Noël, cette phrase lui plaisait bien. Mais mamie, les fleurs poussent au printemps et en été.     Et puis si elles ne sont pas là, on ne peut pas les voir !

–        Eh bien oui, tu as raison au fond, mais quand je te parle des fleurs, à quoi penses-tu ?

–        Dans une fleur, il y a les pétales, le cœur et la tige, n'est-ce-pas ?

–        En effet, et cela nous rend-il triste de voir des fleurs ?

–        Non ! Maman aime bien que je lui fasse des bouquets de fleurs !

–        Viens par-là, je vais te raconter quelque chose pour t'éclairer. »

La petite s'approche et s'assoit sur les genoux de sa grand-mère. Elle s'installe dans ses bras et l'écoute. Alors, Marie lui explique que les fleurs dans cette phrase d'Henri Matisse sont utilisées pour représenter des choses qui font du bien. Tout comme les odeurs variées et les multiples couleurs des fleurs ; c'est agréable. Elle commence à raconter son histoire du bonheur à Charlotte.

            « Antoine de Saint-Exupéry a dit que « Si tu veux comprendre le mot bonheur, il faut l'entendre comme une récompense et non comme un but. » Tu te souviens de notre visite au musée du Luxembourg ?

 

–        Oui, répond l'enfant.

–        Très bien ! Il y a dix ans, l'artiste de l'exposition que l'on a vue commença à publier ses œuvres. Il ne s'y attendait pas mais il eut un succès fou. Aujourd'hui, il est très connu dans le monde pour son talent. Dernièrement, un journaliste, assis sur une chaise verte posée sur le gravier gris du grand parc du Luxembourg lui a demandé lors d’une interview comment il se sentait aujourd'hui. L'artiste lui répondit qu'il était heureux. Le journaliste avait l'air de comprendre et lui demanda s'il avait toujours recherché ce bonheur. Le concerné fit une mou que même un nouveau-né aurait pu comprendre : il paraissait fort étonné. Heureusement, la demoiselle du 5ème d'un immeuble du boulevard St Germain interrompit la conversation et calma l'ambiance en lui demandant une signature. La pointe du stylo glissa sur sa feuille en tournoyant et donna naissance à l'autographe de l'artiste. Tenant son papier dans la main droite, la jeune fille à la jupe bleue remercia et s'excusa pour son dérangement auprès des deux personnes et s'éloigna. Sa démarche était d'une élégance sans pareille. On aurait pu voir les pieds d'un funambule marchant sur un fil. Mais revenons à notre vedette. Il demanda au feuilletoniste de bien vouloir répéter sa question bien qu'au fond, il s'en souvenait parfaitement. Il prit soudainement un air concentré et lui répondit alors : « Vous savez, je n'ai jamais fait quoi que ce soit dans le but d'être heureux. C'est ce que j'ai pu faire et ce que je fais qui me comblent et me rendent heureux. Le bonheur ne se cherche pas, il se trouve lorsque vous ne vous y attendez pas. Mais attention, il ne se montre pas d'un seul coup. Le temps ne le presse pas. Il faut l'accueillir dans notre vie quand il vient. » Le rédacteur ne sut quoi lui répondre. Il le remercia, relut un grand nombre de fois ses notes.

–        Mais mamie, qu'est-ce que je peux faire alors pour être heureuse ?

–        Sois toi ma chérie.

–        Tu sais, quand je suis chez vous, je suis heureuse.

–        Nous aussi nous le sommes. »

 

            Elle marqua un temps d'arrêt et reprit.

–        « Tu vois la jeune fille à la jupe bleue ?

–        Oui, je l'imagine assise au bord de la fontaine du parc.

–        Imagine maintenant qu'elle se lève. Elle marche avec distinction comme tout à l'heure. Elle sort à présent du parc par la rue Vaugirard. Elle tourne à droite, marche en faisant claquer ses talons sur cent mètres. Elle va à présent au 38, rue Vaugirard. Elle y rejoint son groupe d'amis. Tout le monde les appelle le club des cinq. Bien entendu, le cinquième membre du groupe n'est pas un chien. Tu as déjà lu une de leurs aventures ?

–        Maman m'a lu un passage, c'était bien !

–        Et bien ces cinq amis de sont pas détectives mais inséparables ! Et sais-tu quelle est leur spécialité ?

–        On dirait que tu parles d'une spécialité à manger, dit-elle en riant.

–        On dit « culinaire » madame, la corrige sa grand-mère en lui tapotant le bout du nez. Je vais te dire leur spécialité : ils sont gais comme des pinsons ! Un auteur très connu, nommé Bernard Werber a dit que « Le moment le plus important c'est le présent car si on ne s'occupe pas de son présent, on manque son futur. » Ne pense pas au bonheur à venir sans que celui d'aujourd'hui soit accompli. Prends la vie comme elle vient ! Et donc, ces amis se sont donné rendez-vous cet après-midi, comme tous les samedis après-midi.

–        Mais qu'est-ce qu'ils font ?

–        Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire cette fois-ci mais tous savent qu'ils vont passer du bon temps. Tiens, ils quittent le café à présent et partent... On ne sait pas où mais cela n'importe pas, tant qu'ils profitent du présent ensemble !

–        Il faut donc voir le bonheur au présent ?

–        Pas forcément ! Mais tu sais, les gens qui se posent trop de questions sur tout ce qui leur vient à l'esprit ne vont généralement pas très bien. Ils se tourmentent alors qu'ils devraient plutôt profiter de ce qu'ils ont et vivre sainement.

–        C'est donc plutôt en vivant au présent que l'on détient une clé du bonheur ?

–        Oui. On voit une très belle fleur pour en revenir à ta première question. La personne qui se tracasse repousse les fleurs, ne peut pas les voir. Et donc le groupe d'amis laissent en partant une rue déserte. Seul l'employé municipal chargé de nettoyer les trottoirs, que les Parisiens se chargent de salir, est présent. Il ramasse des mégots, des canettes, des papiers... Mais un violent coup de vent permet au papier rose, égaré par une fillette de sept ans, d'entamer un long voyage. Il voltige tout le long du boulevard Saint-Michel, traverse les ponts du boulevard du Palais sans tomber dans le fleuve de la capitale. Il enchaîne les boulevards de Sébastopol, de Magenta et de Rochechouart, emprunte la rue de Steinkerque et rentre dans un parc. Il achève son parcours en tombant dans une flaque d'eau à côté du vieux manège du square Louise Michel devant Montmartre. A quelques pas de cette flaque se trouve une casquette retournée, posée par terre et contenant des pièces de monnaie. Tout autour de cette flaque et de cette casquette se tient un public, composé de personnes de tout âge, de toutes catégories sociales. Toutes fixent deux jeunes hommes d'une trentaine d'années. L'un joue de l'accordéon, l'autre réalise des figures aussi spectaculaires les unes que les autres. Ils sont tous les deux vêtus d'habits sales. Ici, on les appelle SDF.

–        Ça veut dire quoi SDF ?

–        Sans Domicile Fixe. Ce sont des personnes qui n'ont plus de quoi vivre dans une maison. Leur maison, c'est la rue. Ils réussissent malgré leur tenue à tenir l'attention de tous. Et la casquette se remplit peu à peu. On entend des « oh ! » et des « ah ! ». Ils ont tous les deux des yeux d'un marron ébène qui leur donne un regard si profond ! Leurs sourires inondent leurs visages de gaieté. Ils paraissent tellement contents de ce qu'ils font que cela fait plaisir à voir. Un oiseau au plumage orangé vient profiter aussi du spectacle et se pose à un mètre et demi de la casquette. C'est étrange comme il ne craint pas les humains. Il participe à la partie et chante de tout cœur. Les figures s'enchaînent, les rires éclatent, le sourire des artistes s’accentue ! Ils sont dans leur monde, là où ils aiment être. Tu vois ce que je veux dire ?

–        Que même si on est dans la rue, on peut quand même être heureux ?

–        Exactement. Cela me fait penser à une citation de Paul Eluard que j'aime beaucoup.

–        Et il dit quoi ?

–        « Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre. » Même sans maison, sans argent, sans beaux habits, tu peux être heureux !

–        Je l'aime bien aussi la phrase de Paul !

–        Elle est très jolie, c'est vrai. »

 

            Marie marque un petit temps d'arrêt. Elles se taisent et écoutent le feu crépiter. Puis elle continue :

–        « Le spectacle est à présent fini. Le public applaudit, félicite et s'en va peu à peu. L'oiseau au plumage orangé s'en va aussi. Il survole Paris sur quelques mètres et se pose sur le parvis de l'église Saint Pierre de Montmartre. Il est mal à l'aise car l'atmosphère est lugubre, contrairement au spectacle précédent. En effet, toutes les personnes présentes, excepté le prêtre, sont vêtues de couleurs sombres. A l'inverse de ce que l'on pourrait penser, les gens ne pleurent pas tous. Quatre hommes grands et musclés, habillés d'un costume gris foncé, sortent de l'église avec un cercueil sur leurs épaules. Ils avancent parmi la foule qui se sépare en deux pour les laisser passer et déposent la grande boîte en bois dans le corbillard. Après être allée au cimetière pour faire leurs derniers adieux à la personne défunte, la famille de Mme Angallo se dirige à présent dans son ancienne maison pour y partager du temps autour d'un buffet. Leurs visages sont pâles. Seuls les tout-petits naïfs égaient la scène. On sent comme une flamme qui vit en eux. Il s'agit de la même flamme. On dit bien souvent qu'il faut tourner la page après avoir perdu quelqu'un.

–        Mais c'est faux ! Ce n’est pas parce que quelqu'une personne est morte qu'il faut l'oublier !

–        Tout à fait ! Il faut essayer de vivre sans. Avant de décéder, la vieille dame de l'histoire a confié à son fils aîné un message à transmettre à toute sa famille avant la cérémonie d'enterrement. C'est grâce à ce message que la flamme reste allumée en tous.

–        Qu'est-ce qu'il dit, le message ?

–        « Ma chère famille, lorsqu'on vous lira ce message, je serai déjà auprès de Dieu tout là-haut. Ne soyez pas triste. Dans la vie, on naît, on vit et on meurt. J'ai eu une vie ô combien merveilleuse ! Je meurs en paix. N'oubliez jamais ce qu'a dit Marguerite Yourcenar, « Il ne faut pas pleurer pour ce qui n'est plus mais être heureux pour ce qui a été. » J'ai été, je suis et je serai toujours autant fière et comblée de ma famille. Continuez à vivre heureux ! Je veille sur vous tous. Je vous aime. Yvonne, Maman, Grand-Mère. ». Tu comprends pourquoi la flamme est animée ?

–        Oui, c'est la flamme du passé qui ne cessera jamais de vivre.

–        Au grand jamais ! »

 

            Marie serre sa petite-fille dans ses bras. Et elle continue son parcours de Paris :

  « Devant la maison dans laquelle se trouve la famille est garée une magnifique Maserati noire. Au même instant, la même voiture se gare devant le Pont des Arts. Un homme en costume sort par la portière avant. Il fait le tour de la voiture et ouvre la porte arrière droite avec son bras droit, il tient son gauche dans son dos. Une série d'autres voitures passent devant le pont, produisant un concert de klaxons. La nuit tombe sur la ville. Les vieux lampadaires s'allument et éclairent la capitale. Le vieux pont de bois est ravissant. La porte arrière gauche de la voiture s'ouvre aussi et un très bel homme en costume noir en sort. Son nom est Evgueni Sakanovka. Il est originaire de la ville de Kaluga, en Russie. La tradition de sa ville natale veut que les couples se mariant traversent le pont de Kaluga à pied, le marié portant sa jeune épouse dans ses bras. Le Pont des Arts ramène Evgueni en enfance et il a tenu à suivre la tradition, même à Paris. Il faut savoir que ces ponts ont quelque chose en commun : ils gardent les cadenas des jeunes amoureux. Sa bien-aimée sort à son tour de la voiture. Comme toutes les femmes lors de leurs mariages, elle est ravissante. Sa robe est longue et blanche écrue. Un voile en dentelle fleuri recouvre le satin qui lui est près du corps. Elle porte un gilet court en fourrure blanche. Son visage est resplendissant. On sent en elle de l'émotion, du plaisir, du bonheur, de l'amour... Elle rejoint son époux, son regard plongé dans ses yeux. Elle tient dans sa main droite son bouquet et dans sa main gauche un cadenas ainsi qu'un feutre indélébile. La voiture part afin de les rejoindre de l'autre côté du fleuve. Les flashs des appareils photos sortent de partout. Le jeune marié enlace sa femme, Christina. Ils sont sur leur petit nuage, croient en l'amour et s'aiment tellement. Evgueni soulève la mariée dans sas bras et avance. Le bonheur envahit leurs visages. Arrivés au milieu du pont, ils s'appuient sur la barrière et écrivent leurs initiaux sur leur cadenas. Puis ils marquent « Le bonheur, c'est quand le temps s'arrête. » Ils accrochent ensemble le cadenas au grillage qui rejoint les centaines de cadenas déjà présents. Enfin, ils jettent la clé dans la Seine, éclairés par le faisceau de lumière de la tour Eiffel. Puis ils regagnent la voiture, Christina dans la bras de Evgueni. Le faisceau , lui, continue son tour de Paris, éclaire le boulevard Haussman, les Champs Elysées et passe devant un bâtiment au crépi jaunâtre. Sur la façade de ce bâtiment, il y a comme un tableau de fenêtres. Elles ont les mêmes dimensions, sont espacées également et sont alignées. La seule différence qu'il peut y avoir : certaines sont éclairées, d'autres non. Au travers de la troisième fenêtre en partant de la gauche, sur la quatrième colonne de fenêtres, on aperçoit un enfant de six ans assis sur son lit. Dans une autre pièce se trouvent deux enfants. L'un a dix ans, l'autre quatre. Ainsi, à chaque fenêtre éclairée, on peut voir un ou plusieurs visages différents d'enfants souriant. Il y a aussi des adultes souriant qui s'occupent des enfants. Sais-tu de quel lieu il s'agit ?

–        D'un centre aéré ?

–        Je ne pense pas que les centres aérés soient ouverts le soir.

–        C'est vrai.

–        Il s'agit d'une maison de l'enfance. Avant, on appelait ça un orphelinat. Dans cette maison, il y beaucoup d'enfants qui n'ont plus de parents.

–        Ils y restent toute la journée ?

–        Non, ils vont à l'école comme toi pendant la journée. Le soir, ils attendent Alexandra. Alexandra est une jeune fille de seize ans. Elle est en première au lycée Stanislas. Tu sais, le lycée pas très loin de chez nous où ton papa a fait ses études ? Quand elle a du temps libre, elle vient s'occuper des enfants. Les orphelins l'adorent. On lui demande très souvent pourquoi elle va travailler gratuitement. On lui dit qu'elle perd son temps, qu'elle ferait mieux de travailler et de gagner de l'argent. On peut toujours lui parler comme cela, elle continuera à aller voir ces bouilles d'anges qu'elle aime tant. Elle garde en tête une phrase de Khalib Gibran : « Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez vos biens. C'est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez réellement. » Puis le faisceau de la tour Eiffel continue son tour et passe devant une famille revenant chez eux d'une balade.

–        Je crois que l'histoire est alors finie.

–        Je pense aussi. »

 

            La porte d'entrée s'ouvre et tous se déchaussent et se dévêtissent tout en continuant leurs conversations. A peine la porte d'entrée refermée, les enfants sont déjà montés à l'étage pour jouer. Jacques entre dans le salon et s'exclame : « Et bien alors, vous laissez mourir le feu mes maies ! ». Ils en rient tous les trois et réaniment la flamme tous ensemble. Puis, tandis que les hommes s'installent au salon et discutent de choses d'adultes, les femmes, elles, vont à la cuisine. Elles aident Marie et papotent d'affaires bien plus intéressantes : la manucure, les chaussures, les salons de thé... Tout le monde est à présent assis autour de la table, prêt à déguster le bon repas de Marie. Tous, exceptée Charlotte. Elle va voir sa grand-mère encore dans la cuisine et lui dit : « Merci mamie pour l'histoire de tout à l'heure ! J'ai maintenant compris la phrase de ma maîtresse. Il peut toujours y avoir une fleur tant que l'on veut bien la voir et qu'on l'aide à fleurir. Tu sais, quand je suis ici, c'est comme si j'étais dans une prairie en fleurs. » Elle embrasse sa grand-mère et lui dit doucement : « Je t'aime ! ». Et elle part en courant telle une voleuse. Elle serait alors une voleuse de bisous. Mais la porte de la cuisine se rouvre et Charlotte fait dépasser sa tête entre le mur et la porte.

« Tu sais pas à quoi ça me fait penser mamie ?

–        Non, mais je vais bientôt le savoir.

–        « Don't worry, be happy, papapalapapa... »

Et elle s'en va en chantonnant un air. Marie sourit et rejoint sa famille avec le repas. Ils partagent le repas, du temps ; sont heureux tous ensemble.

 

 

 

 

Nouvelle de Apolline Piquard, classe de 2de.

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 18:50

Voyage au bout de nos rêves 

Michelle

 

         7h30 du matin. « C'est fou! » se dit-elle. « Comment peut-on imaginer qu'il y ait tant de petits Parisiens à cette heure-ci ?! » Il est tôt mais Paris, ville de l'amour, du tourisme et de la mode est déjà remplie. Michelle est partie tôt ce matin, car elle avait de nombreux rendez-vous mais elle le regrette maintenant se disant qu'elle aurait peut-être dû partir un peu plus tard et éviter ainsi les bouchons. Elle habite rue Curry, à Suresnes, et son cabinet se trouve à Neuilly-sur-Seine. En général, le trajet ne dure pas plus d’une dizaine de minutes, enfin les jours où il n'y a pas d'embouteillages. Elle aurait pu dormir encore un peu pour les éviter et rattraper toutes ces nuits perdues et peut-être éviter les somnifères. Tous ces médicaments ne sont pas une drogue, non, bien au contraire, se dit-elle, c'est l'une des choses qui fait qu'aujourd'hui encore elle se lève. Ils vous évitent de sombrer au fond du gouffre, de vous ronger de l'intérieur. Il y a aussi ses patients qu’elle aide, écoute et conseille en prenant à cœur leurs histoires pour oublier la sienne et ne pas tomber sous cette armure de souvenirs qui commence à peser...

Tout à coup, AC/DC résonne dans la voiture. Cette sonnerie n'est pas très professionnelle mais c'est ce qui la différencie des autres : elle n’aime pas tomber dans le formalisme. A ce moment-là, commence un travail de pro : tenir d'une main le volant et, de l'autre, trouver son portable dont la sonnerie se déchaîne. Comme toute femme, Michelle a un grand sac rempli de choses pas forcément indispensables et qui rendent la fouille d'autant plus difficile. Elle cherche, une goutte de sueur perle sur son visage pâle. Arrivera-t-elle aujourd'hui à attraper son portable avant la fin de la sonnerie? Victoire! Sa main doit sortir des profondeurs de son sac aussi rapidement que possible, elle refait surface mais trop tard ! AC/DC s'est arrêté sans qu’elle n’ait eu le temps de répondre. Elle regarde qui l'a appelée : numéro inconnu. Étrange, en général ses patients prennent rendez-vous par e-mail ou la joignent au bureau, jamais sur son portable. Peut-être est-ce une amie qui a changé de numéro? Peut-être est-ce l'électricien, sa banque ..?


Grégoire

 

         8h30. On a beau avoir eu le meilleur des sommeils, le réveil reste cependant bien dur. Grégoire, dans son lit trop grand pour sa solitude ou pour sa petite chambre, se lève. L'impression de ne pas avoir dormi est lourde à porter et il est obligé par deux fois de se rattraper au mur. Son studio est petit parce qu'il aime ça. Des milliers de livres sortis d'époques différentes remplissent tous les espaces possibles parce qu'il adore ça. Cet appartement appartenait à son père quand il était jeune d'où la présence de livres poussiéreux, vieux et magiques. C'est de famille l'adoration des livres. Certains croient en un Dieu et il y a ceux qui n’envisagent leur vie uniquement en fonction des lettres, du papier imprimé, des livres, en fonction de ces petits pays ou rêves sur feuille.

         Ne nous dispersons pas sur un sujet sans fin et revenons à notre Grégoire. Il sait qu’une douche le réveillera, l'envie est grande, le besoin immense, mais son premier geste, presque automatique, est d'allumer son ordinateur. Il ouvre la page de ses sauvegardes, celle de ses idées. Il est inspiré et a cette pulsion soudaine d'écrire! Mais... Mais quoi? A vrai dire, cette pulsion, il l'a eue cette nuit, comme ça, mais il a préféré attendre le matin : « Ses idées seraient plus claires » s'était-il dit. Malheureusement non. Un éternel fouillis persiste dans sa tête. Dix minutes passent quand... « Bah... Quand faut y aller, faut y aller! » Il est déçu de lui, fatigué de ne trouver pour seule solution que d'aller dans la salle de bain. Il tourne le robinet, se déshabille puis patiente avant d'entrer. Le doux son de l'eau qui s'écrase sur le sol de la baignoire lui murmure de venir tout en lui intimant le silence : «TSSSSHHHHHHHHSSHH». Il aime l'eau chaude, brûlante même, elle le réveille petit à petit. Il a la sensation d'être dans un four humide, dans un sauna, et il aime ça. Très vite la vapeur se répand dans toute la pièce. Grégoire ferme les yeux et se laisse emporter par le rythme de l'eau qui coule sur son dos. Son esprit s'évade et le transporte dans un autre monde, avec sa famille, qu'il va retrouver dans peu de temps, avec Confucius, son maître à penser depuis qu'il suit les cours de la Sorbonne.

Tout début a une fin et la fin de cette douche se fait proche maintenant. Grégoire coupe la douce voix de l'eau. Petit frisson malgré le chauffage de l'appartement et la vapeur chaude. Il attrape sa serviette, l'enroule autour de sa taille puis sort de la salle de bain en direction de sa chambre. Il enfile t-shirt blanc en col V, slip, jean délavé et chaussettes. Voilà, il s'est occupé des besoins secondaires pour pouvoir avoir le temps de faire ceux que l’on considère comme primaires. Des besoins physiologiques, pour parler en langage économique, comme manger, boire, dormir, et à cet instant précis céréales et café.

Comme toutes choses dans cet appartement, hormis la place des livres, la cuisine est minuscule : de toutes petites plaques chauffantes, pas de four, ni de micro-onde, une petite table, on s'y attendait, et quelques placards. Tout en préparant son café, il relit son pense-bête : « Lait : Fait. Yaourt : Fait. Sucre: à acheter. Pâtes : à acheter. Visa : Fait. Billet de train : à faire.... » Billet de train? Billet de train.... BILLET de train? BILLET DE TRAIN!

Et oui ! Nous pouvons être doués à l'écrit, on peut l'être en musique, en arts, en sciences ou avec les chiffres, mais cela ne nous empêche pas de ne pas être habiles avec les factures, les inscriptions, et les réservations. Grégoire verse son café dans sa tasse puis s'installe devant l'ordinateur. Non, il n'est pas là pour chercher l'inspiration mais pour réserver son billet, direction la Chine, sa famille et ses racines. Il gagnera ce pays en Transsibérien demain soir.

 

Michelle

 

         Enfin arrivée à destination, elle se gare, descend puis s'engage dans une petite cour en long, derrière un petit portail. A droite, des arbres de taille moyenne, à gauche les fenêtres du cabinet qui se trouvent au rez-de-chaussée. Une étrange sensation la gagne. Bizarre. Elle met la clé dans la serrure, la tourne. Clic, clic. Pourquoi a-t-elle si peur? Pourquoi cette impression qu'elle va trouver quelque chose d’anormal? Il suffit parfois d'un simple mot, d'une personne pour que votre vie change, pour que tout soit bouleversé. La vie est comme cette goutte d'eau de pluie tombant du ciel. Elle ne sait pas où la mènera le vent ni comment elle va s'écraser. Toutes ces gouttes sont différentes : il y en a des grandes, des petites, certaines se rencontrent, se relient et continuent leur chemin ensembles. Ce que l'on sait, c'est qu'il suffira d'un simple courant d'air, d'une poussière, pour que l'endroit où il était écrit qu'elles tombent change aussi simplement qu’un claquement de doigts.

- Mélanie ? Mélanie ? Vous êtes là ?

-  Oui ? Michelle ?

- Je suis désolée de mon retard, un embouteillage. Monsieur Bernard est arrivé ?

- Monsieur Bernard ? Non, il a appelé ce matin pour annuler son rendez-vous.

- Il a encore annulé ! Je vais devoir le rappeler.

- Mais il y a quelqu'un qui vous attend dans le salon.

- Ah. Bien. Comment s'appelle-t-il ?

- Confucius. Monsieur Confucius.

         Le cabinet est un ancien appartement qu'elle a aménagé de manière confortable et accueillante pour ses patients. Michelle pose ses affaires dans l'entrée puis passe dans la salle d’attente. Elle est chaleureuse avec des canapés moelleux en cuir, un tapis s'accordant au parquet vieilli et une petite table chinoise laquée sur laquelle sont posés divers magazines. Monsieur Confucius est assis sur l'un de ces canapés, un jus de fruit à la main. C'est un vieil homme, âgé d’environ 65 ans, de longs cheveux blancs lui tombent sur les épaules ainsi qu’une longue barbe de la même couleur. Ses habits sont étrangement inhabituels : il porte une sorte de toge de couleur blanche maintenue par une ceinture brune au niveau de la taille. En la voyant, il sourit. C'est un sourire rempli de chaleur et d'amitié. Ses yeux, couleur de terre, sont si pénétrants qu’ils vous donnent l'impression d'être mis à nu instantanément. Michelle a tout de suite l'impression que c'est elle qui vient pour consulter et non lui. Elle sent bien que si elle ment, cet homme le saura immédiatement.

- Bonjour, Monsieur Confucius.

- Je viens te voir, pour ton père, Michelle.

- Mon père? Je ne comprends pas, répond-elle étonnée.

- Eh bien, ton père. Tu vois très bien ce que je veux dire Michelle. Tu ne vas pas me dire que tu ne te souviens pas que tu as un père, quand même? Ça serait mentir! Haha.

 - Écoutez, nous ne sommes pas ici pour parler de moi, donc, si vous le voulez bien, nous allons commencer la séance.

- Bien. Comme tu voudras. Mais le renier n'est pas la meilleure des solutions. Peut-être qu’en m'écoutant tu apprendrais des choses.

- Ça suffit maintenant! Je ne vous connais pas, et a priori, vous ne me connaissez pas non plus! Ma vie privée ne regarde que moi et si vous continuez, je vais devoir vous demander de partir!

Michelle est hors d'elle mais également confuse. Cet homme a dit qu'il savait des choses... Quelles choses? D'où se permet-il de lui poser des questions qui lui rappellent tous ces souvenirs douloureux?!

- Bon, je vois que tu n'es pas prête à m'écouter. Michelle, ne rate pas cette chance que je t'offre. Si tu changes d'avis, je resterai au café d’en face, mais ne tarde pas trop, le temps est compté...

Il se lève et fait mine de sortir tandis que notre héroïne s’exclame :

- Je ne vois absolument pas de quoi vous me parlez et je ne vous permets pas de me tutoyer... ou de m'appeler par mon prénom... De plus, comment... Comment connaissez-vous mon père?

- Hahaha. Il se dirige vers la porte, chaque chose en son temps, petite ! ajoute le mystérieux personnage. Et CLAC, la porte s'est refermée.

De nombreuses questions restent en suspens dans une atmosphère pesante. Michelle se met à pleurer et tente d’exorciser ses peurs en réfléchissant. D’un coup, sans penser, elle bondit hors de l'immeuble. Après en être sortie, elle a l'impression d'avoir parcouru des millions de kilomètres. « Non, je ne peux pas. Je fais demi-tour! » pense-t-elle mais une force inconnue l’anime. Elle traverse la route sans même regarder s’il y a une voiture. Maintenant, elle est invulnérable! Plus elle se rapproche du café, plus elle se fait forte et courageuse. Elle fait encore quelques pas, ragaillardie comme un soldat, puis se présente sur le champ de bataille : là où la lutte entre souvenirs et présent aura lieu. Il est là, visiblement content qu’elle soit venue. Sur sa table sont disposés deux thés et deux croissants. Les gens du café chuchotent en le regardant de travers et cela n'a pas l'air de le perturber; au contraire même, il semble s’en amuser. Michelle avance. Non, elle recule. Tout compte fait, elle s’immobilise. Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle pourrait faire comme si elle ne l'avait pas vu et repartir, mais elle le fixe. Elle avance d’un pas, puis de deux, s'assoit lentement puis attend qu'il parle le premier. Il lui dit qu'il sait beaucoup de choses et qu’il faut qu'elle reste calme. Elle lui demande de se dépêcher. Elle a froid, elle a peur : le soldat vaillant a rendu les armes.

Commence alors le récit d'un père. Un journaliste passionné, souvent en voyage mais toujours présents pour les moments importants : la première dent perdue, la rentrée dans la cour des grands, à l’école primaire, ses spectacles d'école. Pourtant ses voyages se font de plus en plus longs, à mesure que sa renommée se fait de plus en plus grande. Un jour, une opportunité magique : on lui propose un voyage unique qui pourrait le porter au sommet de sa gloire. Un sujet peu médiatisé pour le moment : le transsibérien. Ce voyage, ce rêve devient vite une obsession de toute la famille : aussi bien du père, de sa femme que de sa fille. Puis, arrive le jour du départ. Un départ heureux, des « reviens vite ! », « tu vas nous manquer » résonnent un certain temps avant qu'il ne parte définitivement. Un mois plus tard, l'article est bien paru mais son père n’est pas revenu. A cette époque, Michelle a dix ans et cela fait un mois qu’elle est orpheline d'un père tout comme sa mère est veuve d'un mari. A ce souvenir, des larmes lui coulent le long des joues. Elle est hébétée par le fait que monsieur Confucius connaisse tant de détails sur sa vie. Elle lui demande le pourquoi, il lui répond le sempiternel « parce que c'est ainsi, et c'est maintenant ». Michelle ne se pose pas énormément de questions. Il doit sans doute être un détective privé, venu l'aider et envoyé par sa mère. L’homme à la barbe blanche sort de sa toge son passeport à elle, tout en disant d’un ton calme et posé qu'il a pris soin de lui obtenir des visas russe et chinois, de réserver un billet d'avion à son nom ainsi qu’un billet de train. Cette fois, c'en est trop! « Pourquoi?! » Il lui répond doucement qu’aujourd'hui est venu le temps de la réponse à sa douleur puis se lève. Lentement et sans dire un mot, Monsieur Confucius pose un peu de monnaie sur la table et se lève. Beaucoup de personnes se retournent sur son passage. Michelle, elle, ne se lève pas pour le suivre. Non, elle est pétrifiée sur sa chaise....Jusqu'au déclic ! Elle se lève d’un coup et se met à courir après l’homme au costume étrange. Il tourne à l'angle de la rue, elle accélère pour rattraper son retard. Lorsqu'elle arrive à l'angle de la rue, Confucius s’est comme volatilisé. La jeune femme demande à une passante si elle n'a pas vu un homme habillé étrangement. La dame lui répond que non. L’homme mystérieux a disparu, comme dans un rêve.

 

Grégoire-16h30

 

         Pendant que certains travaillent dans des bureaux sans voir la lumière du jour, Grégoire marche. Il est pressé mais il n'est pas du genre à prendre le métro ou le bus, marcher lui suffit. Il a un rendez-vous un peu particulier : avec une fille rencontrée sur un site spécialisé. Ce n'est pas la première fois qu’il passe du virtuel au réel. Il trouve, d’ailleurs, que cela n’est pas très romantique, mais il ne sort pas assez souvent et sa passion dévorante pour les livres ne plaît pas toujours. C'est pour cela qu’à chaque nouvelle rencontre, il essaie de retrouver un peu de la magie de la rencontre faite dans la vie réelle. Parfois, ils se retrouvent dans une rue choisie à pile ou face ou alors il demande à la jeune femme de ne pas l'attendre à un endroit précis : ils se croiseront et se reconnaîtront. D'autres fois, c'est dans un parc chargé d’Histoire qu'il l'invite comme aujourd’hui : au jardin des Tuileries. Elle lui parlera tout l'après-midi. Il avait beaucoup aimé son talent pour jongler avec les mots comme elle le fait avec les chiffres dans son travail et la finesse de ses e-mails mais quand il l'a vue, en chair et en os, cet après-midi-là, aux Tuileries, il ne s'est jamais autant ennuyé à un rendez-vous. A chaque fois, c’est le même cinéma : le monde réel le déçoit.

         Il rentre chez lui seul, prépare sa valise pour partir. Demain, il part pour la Russie, là où commencera un long voyage. Quand il a fini, il s'installe sur son canapé entre deux encyclopédies puis écrit... Il est 18h à sa pendule. 19h, 20h, 21h, 21h30... Ça y est, il a fini et pose un point d’exclamation sur sa petite idée.

         Un taxi de chaque côté et un avion. Une arrivée à Moscou, un taxi ou le somptueux métro moscovite puis la gare.


Gare Iaroslav

 

         C'est une gare où Chinois, Mongoles, Russes et voyageurs du bout de monde se côtoient. Nombreux sont ceux qui partent avec des valises chargées de marchandises à offrir à leur famille ou à revendre sur le chemin. Quelque part dans cette gare se trouve un jeune homme tenant un livre annoté de toutes parts et une femme aux yeux hagards de fatigue, perdue entre ces babouchkas qui vendent fruits, légumes ou gâteaux et ces lettres cyrilliques tellement différentes des siennes.

Il est maintenant vingt-trois heures et il faut songer à trouver son wagon. Les langues s'entremêlent et fusent, des visages si différents se croisent pour partager un bout de voyage : environ une semaine pour les voyageurs en direction de Pékin, six jours pour Vladivostok, et cinq pour Oulan-Bator, à passer dans des compartiments à tailles réduites mais si grands de richesses et de récits internationaux.

 

Michelle - 23h10

 

         L'entrée dans le train est une rude épreuve : chaque personne se précipite sans tenir compte des autres. Certains, ayant une expérience en matière d’entrée dans le transsibérien, balancent leurs sacs dans leur wagon pour pouvoir se frayer plus facilement un chemin. Michelle, d'une trop petite corpulence pour dominer les gabarits imposants, notamment celui des Russes, se fait balloter de part et d'autre, pour finir par se retrouver devant une porte à un wagon de différence du wagon initial.

 

Grégoire - 23h30

 

         Plusieurs fois, il s'est retenu de flanquer une bonne raclée à certains de ces hommes profitant de leurs forces et de leur connaissance de la langue du pays pour bousculer tout le monde. Heureusement, lui non plus, n'est pas tout maigre. Le couloir est très étroit. Lorsque deux personnes se croisent, tout se complique, surtout quand on a une valise aussi grande que celle de Grégoire. Lui et elle, dos à dos, se dirigent vers leurs compartiments respectifs. Pour le moment, ils ne font pas attention l'un à l'autre, mais plus tard, sans le savoir, leurs destins se recroiseront...

         Il a choisi un wagon d'hommes pour pouvoir être tranquille, écrire simplement, et pouvoir entrer dans son jardin secret de lecture. Mais lorsqu'il trouve enfin son compartiment, il ne s'attendait pas à cela : à l'intérieur, trois militaires russes, les joues rosies, un verre de vodka à la main, le regardent. Ils affichent un sourire niais et une des trois bouteilles posées sur la petite table est déjà à moitié vide. Préférant ignorer ces hommes, Grégoire fait glisser sa valise en dessous de l'un des deux lits. C'est un petit compartiment avec une grande fenêtre en face de l'entrée. Deux lits superposés sont disposés de chaque côté. Sur la gauche, deux des Russes ont pris place en posant leur sac sur leur lit. L'autre a choisi le lit du dessus, à droite, ce qui laisse à Grégoire le lit du bas; il est agacé car un de ces Russes a pris, pour siège, son lit. « Voilà un voyage pas encore commencé qui commence bien ! » Il décide d'aller inspecter les wagons, histoire de visiter un peu. Dans la seconde classe, les lavabos se trouvent dans les toilettes situées à l’extrémité du wagon. À l’entrée, il y a le compartiment de la provonitsa, l’hôtesse du wagon. A la droite de son compartiment, un immense samovar est à la disposition des voyageurs. Un peu plus loin, entre la première et la seconde classe se trouve le wagon restaurant, avec au milieu, un long couloir flanqué de chaque côté de tables et de banquettes. Une ambiance d'une autre époque, tous les wagons-restaurants des transsibériens ne se ressemblent pas, mais celui-là est sûrement l'un des plus vieux. La tapisserie est de couleur sombre, les banquettes similaires, d’un marron indéfinissable. Quelques personnes ont déjà pris place. Grégoire décide donc qu'il passera la plus grande partie de son voyage ici, pour éviter les accrochages avec ses compagnons de chambrée.

  

23h55 - un départ jusqu'à Irkoutsk puis un arrêt

 

         Après quatre jours de voyage, la fameuse séparation entre différentes destinations a lieu. Le chemin est merveilleux : des chaînes de montagnes, des plaines à perte de vue offrent la sensation d'être si loin du monde réel, de s’évader dans un milieu inconnu et vaste.

De nombreuses heures avant l'arrivée, et la fin de ce long voyage, une forme au loin se dessine. Cela est-il possible ? Est-ce elle, la muraille de Chine, longue de 6000 kilomètres? Oui, le plus grand monument de Chine, imprégné de son histoire se dresse face au voyageur jamais au bout de ses surprises. Après de nombreuses rizières, de longs et sombres tunnels, le train s’arrête. D'un coup, tous les voyageurs du train se ruent à l'arrière du wagon. Alors que quelques heures auparavant, la muraille ressemblait à un ver de terre, elle se trouve maintenant à quelques pas des rails dans toute sa majestueuse grandeur.

 

Wagon-restaurant. Michelle et Grégoire

 

         Assis devant son ordinateur, Grégoire écrit sans pouvoir s'arrêter. Il est vrai que tous ces larges paysages ne font que grossir les remparts de la forteresse de son génie. Le restaurant est plein, rempli de tous ces gens épuisés par le long périple et espérant, malgré tout, qu’il ne s’interrompe jamais. Michelle, qui vient de faire son entrée dans ce wagon, est déroutée par la foule, et se lance à la recherche d'une place. Tout à coup, elle aperçoit une banquette libre en face d'un jeune homme, les yeux rivés sur l’écran de son ordinateur portable. « Ah ben bravo! Comment l’ordinateur peut-il être plus captivant que ces paysages somptueux ? !» pense-t-elle, mais ne sachant pas en quelle langue l'interpeller, elle s'assoit sans mot dire.

Après une bonne dizaine de minutes, Grégoire remarque enfin la présence de Michelle, et lève la tête. Il se présente et s'excuse de ne pas l'avoir fait plutôt. C'est que, quand il se lance dans son roman, il n'arrive plus à en sortir, explique-t-il. Michelle sourit, se présente à son tour, et lui répond que ce sont ces paysages qui la transportent dans un autre monde dont elle n’arrive pas à se sortir. Ils rient. Une soudaine familiarité se crée. Ils se dévoilent alors l’un à l’autre. Il lui raconte sa passion pour les livres qui lui a été transmise par son père, un père unique, ses histoires d'amour de plusieurs mois, virtuelles, mais qui se terminent invariablement lors de la rencontre physique, sa vie dans son petit appartement rempli de livres, et que ce sont sans doute eux qui le comprennent le mieux.

Elle se confie comme elle ne l'a jamais fait. Elle lui narre son enfance marquée par un père disparu trop tôt à son goût, ses études de psychologie qui lui ont permis, plus tard, d'enfouir au plus profond d'elle-même, ses peurs et ses craintes, sa rencontre avec un homme étrange qui lui a fait ressurgir toutes ces choses alors qu'elle ne l'avait jamais vu auparavant : un homme étrange nommé Confucius....

- CONFUCIUS?!

- Oui, c'est tout ce que je sais sur lui, vraiment étrange comme nom, non ? J'ai beau me le tourner et me le retourner, je ne vois pas d'où il peut venir.

- D'où il vient, mais je vais te le dire d'où il vient ! Confucius sort tout droit d'une époque vraiment, vraiment lointaine. C'est le fondateur du confucianisme, une sorte de religion maîtresse de la Chine. Et à moins que tu n'aies lu, ou étudié des ouvrages sur cet homme, tu ne peux pas l'avoir rencontré puisque cet homme est né en 551 AVANT Jésus-Christ. Et même, si c'est un grand philosophe chinois, il n'est pas immortel.

 - C'est impossible, Grégoire, crois-moi, il s'appelait réellement Confucius. En tout cas, ceci explique ses vêtements étranges! Mais je suis sûre de ne pas avoir rêvé, mon assistante l’a vu et c'est elle qui l'a fait patienter dans mon bureau! Et dans le café où je me suis retrouvée avec lui, tout le monde le voyait, puisque les gens ne cessaient de faire des commentaires à voix basse! Comment sais-tu autant de choses sur lui ?

 - Parce que je l'ai beaucoup étudié à l'école des langues orientales ! C'est un grand homme. Je l'admire beaucoup. Je te crois, mais cela paraît totalement dingue et incroyable ! Mais, franchement, même si rien ne me permet de te croire, je te crois quand même... Ne me demande pas pourquoi.

- Mon Dieu, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire?!

Grégoire se lance ensuite dans de grandes explications sur les principes du confucianisme. Confucius développe l'idée que la collectivité n’est basée que sur liens des familiaux forts et que tous les hommes peuvent devenir sages quels qu’ils soient. Une fois que Michelle a saisi la pensée globale du confucianisme, il lui demande de lui répéter ce que l’homme étrange lui a dit, dans les moindres détails si elle s’en souvient. Après avoir longuement analysé avec Grégoire, les propos de Confucius et sa propre vie, Michelle comprend qu’aujourd'hui, elle se sent prête à accepter le départ de son père.

 

Quai de Beijing

 

         Après des heures et des heures de discussion passionnée, ils arrivent à Pékin. Ils se séparent le temps d'aller chercher leurs affaires dans leurs compartiments respectifs et se retrouvent sur le quai. Grégoire attend son père et, n’étant pas pressée, Michelle accepte de patienter avec lui. Tout à coup, celui-ci lève le bras : il l'a aperçu. Michelle le distingue au loin mais ne le reconnaît pas tout de suite. Le père de Grégoire s'approche, et Michelle a l'impression de connaître ce visage vieilli. L'homme ne l'a pas vue. Il prend Grégoire dans ses bras, lui murmure quelques mots dans l'oreille, puis se tourne vers Michelle qui lâche brutalement son sac. Le sourire de l’homme s’efface et des larmes remplissent ses yeux ridés. Elle tremble, ne pouvant croire à ce qu'elle vit. L'homme recule d’un pas, non pas pour fuir mais pour mieux admirer la femme qu'elle est devenue. Grégoire, lui, ne comprend pas ce qui se passe. Après quelques secondes qui semblent une éternité, passées à s’observer sans pouvoir émettre un seul son, sans pouvoir sortir ce mot qui lui brûle la gorge, les larmes fusent et Michelle ouvre la bouche et s’écrie dans une grande explosion : « PAPA! »

A cet instant-là, Michelle saisit pleinement le sens de cette phrase que lui avait dite Monsieur Confucius en guise de précepte : « N’oublie pas, Michelle ! L’homme qui déplace une montagne commence par déplacer les petites pierres. »

 

Nathalie 

 

 

Lettre 313

 

         C’est un autre matin froid d’hiver, comme il en existe tant en Russie. Une délicieuse nappe blanche se dépose sur les trottoirs sombres et tristes de la petite ville de Kalouga. Dimitri est entre le rêve et la réalité. Il sait qu’il doit encore se laver, prendre son petit-déjeuner, se brosser les dents et monter dans sa petite Samara grise pour aller au travail. Il ne veut pas s’extirper des bras de Morphée. La raison en est simple : il passera dix heures assis, face à son bureau, dans un bâtiment mal chauffé, aux murs couleur vert vomi et à l’odeur écœurante d’ammoniaque. Tout ça pour quoi? Pour huit mille roubles, environ deux cents euros. C’est peu, mais suffisant pour nourrir sa femme et sa fille. Trop peu pour payer le loyer. Dans ce pays-là, les employés de bureau ne sont pas bien payés, les augmentations rares et ceux qui gardent leur poste plus de trois ans sont considérés comme des chanceux. Prêt à se rendormir, Dimitri se recroqueville. Le téléphone sonne, il décroche à contre-cœur. Sans qu’il ait eu le temps de prononcer un mot, la voix la plus rauque qui lui ait jamais été donnée d’entendre prononce : « Sur ton bureau se trouvent trois lettres. Prends celle numérotée 313 et lis-la attentivement. » Dimitri n’a pas le temps de répondre mais il est bel et bien réveillé.

Dehors, il fait moins vingt-six, il y a cinquante centimètres de poudreuse et Dimitri vient de se faire réveiller par un tordu à six heures cinquante-neuf du matin ! Pas de doute, la journée commence bien.

         Trois heures de bouchon et un chauffage défaillant plus tard. Même avec la meilleure volonté du monde, on ne peut que se sentir ridicule emmitouflé dans cette chose. « Après tout, ce n’est qu’une couverture ! » se répète-t-il. Mais quelle couverture! Une superbe couverture rose, avec Winnie l’ourson imprimé dessus et plein de petits cœurs roses. Les passants explosent de rire à la vue de ce trop grand gaillard pour sa petite voiture, engoncé dans sa couverture d’enfant. Même si le ridicule le blesse énormément, Dimitri n’a que rarement honte. Ce moment-là en fait partie.

         Enfin arrivé au bureau ! Il fait toujours froid. Son patron le blâme une nouvelle fois pour son retard. Il en a marre, s’assoit à son bureau, une masse de paperasses en face de lui. Au-dessus de ce tas, trois lettres numérotées : 321, 654 et 313. Son cœur s’accélère... il ne sait plus quoi penser. Est-il espionné ? Il l’ignore mais la peur s’installe. Il prend la lettre numéro 313, l’ouvre délicatement et ne trouve qu’une photographie anthropométrique d’un homme d’une quarantaine d’années, grand, blond, cheveux coupés courts, une barbe de trois jours, et une vraie tête de psychopathe. Sur la photo, un post-it sur lequel est écrit à l’encre noire et sale, et d’une écriture brouillonne : « 92 rue Souvorova. 19h20. Jeudi 16 février ».

         Les jours se succèdent mais pour Dimitri tout semble s’être arrêté. Le fameux jeudi arrive. Son cœur ne peut plus descendre en dessous de cent dix pulsations par minute. Dimitri attend sagement dans sa voiture en face de l’immeuble 92. Encore un de ces immeubles staliniens, fissurés, à la peinture verte écaillée et qui n’ont pas été rénovés par la ville depuis 1954. Une BMW noire entre dans la cour, une autre la suit bloquant toute issue au moindre véhicule voulant sortir de cette « impasse ». Deux hommes en sortent. Ils toquent à la fenêtre de la vieille Samara grise et cabossée. Dimitri abaisse sa vitre et l’un des deux hommes lui tend un neuf millimètres enroulé dans du papier journal graisseux et un autre papier. Il l’avertit doucement : « Pas de connerie, joue pas au plus malin avec nous, t’es surveillé H24. ». « Nous déçois pas » lâche-t-il en tournant les talons. Dimitri parcourt la lettre les doigts crispés : « Tu ne nous connais pas, mais nous, nous te connaissons bien. Tu as emprunté dix mille roubles il y a trois mois sans jamais rembourser et, tu le sais bien, il faut payer un jour ou l’autre. Si tu nous écoutes, tout se passera sans problème : à l’aide de ce pistolet : tu tueras. Son nom: Vladimir Kolasovich. Il se trouve tous les jeudis soirs à la discothèque « le Sinatra ». « Ne rate pas ta cible car sinon tu risques d’être surpris en voyant de quoi nous sommes capables, surtout si tu tiens à ta famille. » Sa montre affiche vingt heures trente et il ne sait toujours pas quoi faire. Malgré la peur et le dégoût que lui infligent ces gens, il doit les rembourser et peu importe la façon dont il le fait, du moment qu’on le laisse tranquille après.

La neige, noircie par les pots d’échappement des véhicules, assombrit un peu plus la ville terne. Les familles et les petits vieux dorment à poings fermés mais une partie de cette population refuse de se laisser prendre au jeu de Morphée. Dimitri rentre au Sinatra, cette boîte de nuit sombre dont les secrets ne sont pas écrits dans un journal ou gravés sur les murs sobres des immeubles alentours mais bien dans l’esprit des gens qui y rentrent. Pendant qu’un petit dealer tente d’arnaquer quelques clients potentiels, Dimitri scrute attentivement la salle de son œil vif et sombre. Personne n’attire sa confiance. Il fait chaud. Les jeunes filles se déhanchent sauvagement sur la piste de danse. Des hommes, accoudés au bar, enchaînent des shoots de vodka. Ils braillent, certains s’énervent. L’un d’entre eux se lève. Dimitri s’affole. Il l’a reconnu. Les battements de son cœur s’accélèrent. Chaque pulsation ressemble à un uppercut de Mohamed Ali. Il a froid. Un frisson parcourt sa colonne vertébrale. Il voudrait pleurer. Il pense à sa fille, à sa femme. Pourtant sa mission est simple, et l’enjeu énorme : sa vie et celle de sa famille contre celle d’un inconnu. Lui qui n’était qu’un simple petit employé de bureau, sympathique, honnête, diplomate, s’improvise aujourd’hui assassin. Non, il ne veut pas le faire. Mais on ne fait pas toujours ce que l’on veut. Pourtant, se dit-il, je suis cultivé. Il a lu Proust, Marx, Confucius. Il est diplômé d’une grande université de Moscou, parle couramment trois langues et possède une mémoire extraordinaire. Cela ne fait que cinq secondes que l’homme s’est levé mais elles semblent à Dimitri une éternité. Il revoit sa vie défiler devant ses yeux : de sa première copine à sa dernière fiche de paie jusqu’aux citations des cours de philosophie : L‘homme qui déplace une montagne commence par déplacer les petite pierres. Ouais, ben, les petites pierres pèsent déjà bien lourd et là, tout de suite, il a plus l‘impression qu'on lui demande d‘escalader l‘Himalaya en short et en tongs. Il sait bien que trois hommes l’attendent dehors et que, s’il ne fait rien, la neige recouvrira son corps inerte, étendu sur ce léger drap blanc. Il suit ce qui est devenu, à présent, sa cible, entre dans les toilettes, sort son pistolet et abat l’homme de deux balles à l’arrière du crâne. Son silencieux fonctionne. Aucun bruit, juste le son et le choc sourd du crâne de sa victime sur l’urinoir. Il sort son téléphone, manque de le faire tomber, prend une photo du cadavre. Ses mains tremblent. Il ne sait pas vraiment comment mais ses jambes le guident et il sort miraculeusement de la boîte de nuit, fait le tour par derrière et se dirige vers les poubelles. Là, la BMW l’attend. Il montre la photo au chauffeur, efface la preuve et jette violemment le portable sur le sol. Il ramasse les quelques débris pour les balancer dans une poubelle. Une boule pèse sur son ventre. Sa cervelle va exploser. Il ferme les yeux, repense à l’impensable, à son acte.

        

BIP BIP BIIIIIP... Le réveil sonne. Il est six heures cinquante-sept. Quelle horreur ce cauchemar ! Il transpire. Il se lève, boit un verre d’eau, empoigne son téléphone, compose un numéro et ne prononce que quelques mots : « Sur ton bureau se trouve trois lettres. Prends celle numérotée 313 et lis-la attentivement. ».

 

 

  Vincent-Samuel 
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